Après neuf journées de championnat, Angers SCO se classe dixième de Ligue 1, dans le cœur du « ventre mou », de la France bedonnante et des équipes peu clinquantes, chaudement entouré qu’il est par Caen, Guingamp, Montpellier et Troyes. A sa place, se dira-t-on ? (et c’est déjà beaucoup pour qui sait d’où vient, ou plutôt revient, le club phare du Maine-et-Loire).
Un classement pas piqué des hannetons
(Source : www.chroniquestactiques.com)
A y regarder de plus près, les résultats angevins n’ont rien d’évident. Si l’on en croît ce tableau réalisé par Florent Toniutti sur son site des Chroniques Tactiques (pour les huit premières journées), le SCO a eu l’un des calendriers les plus difficiles de ce début de saison (Bordeaux, Marseille, Saint-Etienne, Nice, Lyon) – seul le Téfécé ayant connu pire (Monaco, Paris, Bordeaux, Marseille). De ce constat, on peut tirer une conclusion, le SCO s’en est plutôt bien sorti, et entrevoir une promesse, celle d’une fin d’année plus à sa portée et donc d’une possible progression au classement. La défaite à domicile face à Metz, « bon dernier » (comme le veut l’expression consacrée), invite cependant à modérer les espoirs : on sait que la motivation et la concentration varient en fonction de la « qualité » de l’adversaire.
On change de position ?
Ces bons résultats ne sont pas tant le fruit du hasard qu’ils récompensent le travail de Stéphane Moulin, que d’aucuns surnomment le « French Mou », lui qui a su faire évoluer le jeu de son équipe et qui sait tirer le maximum du groupe mis à sa disposition. En témoigne la variété des mises en place tactiques. Aujourd’hui, le SCO peut tout aussi bien évoluer, en phase offensive, en 4-3-3, en 5-4-1 ou en 4-4-2.
Voici ainsi le 4-3-3 qui a débuté contre Saint-Etienne :
Voici ensuite le "5-4-1" qui a débuté face à Nice :
Voilà enfin le 11 qui a joué la seconde mi-temps de la rencontre face à Lyon en 4-4-2 :
Angers peut ainsi s’adapter aux spécificités d’un adversaire (les deux pointes niçoises), aux circonstances d’un match (l’expulsion du Lyonnais Marcelo) ou plus simplement s’appuyer sur ses joueurs en forme (Toko Ekambi sur un côté, c’est bien ; Toko Ekambi dans l’axe, c’est bien bien ; Toko Ekambi dans l’axe et libre de s’écarter pour fuir les centraux, c’est bien bien bien). Face à Caen le week-end dernier, le SCO est passé du 4-4-2 au 4-3-3 après l’ouverture du score, afin de densifier un milieu de terrain à la peine en première mi-temps. Cette diversité offre de multiples solutions au Sarri des bords de Maine et rend son équipe moins lisible et moins prévisible pour ses futurs adversaires.
Moulin Charo comme Matuidi
Diversité n’est toutefois pas l’antonyme d’identité : quelle que soit la mise en place tactique, le SCO développe des phases de possession de qualité qui présentent une certaine continuité. Ces phases s’appuient sur des principes simples mais redoutables : création de triangles, occupation de toute la largeur du terrain, recherche de passes verticales qui cassent les lignes adverses.
On peut y voir l’importance accrue des latéraux dans le jeu angevin. Nous l’avions noté dans un précédent article mais la tendance semble se confirmer. C’est particulièrement vrai pour Andreu, qui revient de blessure (on l’a déjà oublié) et qui réalise pourtant un excellent début de saison. De l’autre côté et malgré les critiques récurrentes à son égard, force est de constater que Manceau s’est à nouveau fait sa place. C’est peut-être au milieu de terrain que les changements sont les plus notoires. Le départ de Cheikh Ndoye a transformé le visage du SCO : l’équipe joue davantage au sol, profitant de la disponibilité de Fulgini, des déplacements de Tait et/ou Capelle ainsi que des ouvertures des gauchers Romain Thomas et Thomas Mangani. L’évolution du jeu angevin permet à des joueurs, sinon de se révéler, du moins de s’exprimer plus aisément : que l’on songe ainsi à Flavien Tait, titulaire depuis trois matchs et auteur de prestations convaincantes.
Angers ne néglige toutefois pas les phases de transition, qui voient une partie de l’équipe se projeter très rapidement vers l’avant dès la récupération du ballon – en témoigne le dernier but en date du SCO, exemplaire à ce sujet : projection rapide (cf. la course de Crivelli), exploitation de l’avantage numérique qui empêche les défenseurs de sortir sur Toko Ekambi, recherche d’un homme libre.
A ce stade, il nous faut rappeler que nous avons volontairement sélectionné certaines séquences qui nous ont paru intéressantes (quelqu’un d’autre aurait pu isoler d’autres phases de jeu). De plus, il s’agit bien de séquences : le SCO ne pratique pas un football total, ne maitrise ses matchs ni ne domine ses adversaires de la tête aux orteils, loin s’en faut. S’il nous paraît important de mettre en lumière ces actions bien construites, elles ne sont que partiellement représentatives des prestations angevines.
Pour être il faut des avoirs
A Angers en effet, tout n’est pas rose en ce mois d’octobre. Stéphane Moulin à beau effectuer un travail remarquable, son équipe bute sur des soucis d’efficacité, et ce dans les deux surfaces, qui lui ont probablement coûté quelques points depuis le début de saison.
Depuis le départ de Ludovic Butelle en janvier 2016, le SCO ne dispose plus d’un gardien indiscutable. Si Letellier semble disposer d’un capital certain auprès de Stéphane Moulin, force est de constater qu’il n’est pas irréprochable depuis le début de la saison. On peut par exemple penser que ce but stéphanois, étant donné l’angle relativement fermé, le temps pris par Cabella pour se mettre sur son pied droit et la faiblesse de la frappe, aurait pu être évité :
On peut aussi verser au dossier d’instruction les erreurs d’appréciation et/ou de concentration (le ballon mal apprécié par Letellier, qui touche pourtant la barre transversale, à Nice dès la 2ème minute de jeu ; la sortie totalement ratée sur Mariano Diaz contre l’OL, un ballon sauvé sur sa ligne par Santamaria, 22’) ainsi que la « faute de main » coupable qui a permis à Lyon de creuser l’écart (but du 1-3, 41’). Cela fait beaucoup. A décharge, on peut citer les arrêts décisifs réalisés lors de ce même match et qui empêchèrent l’OL de creuser définitivement l’écart. Il n’empêche : le SCO se cherche toujours un dernier rempart rassurant, qui sache s’imposer dans les airs sur corner (ces sorties sont rares chez Letellier) et qui soulage sa défense. En la matière, plus d’un an et demi après son départ, Ludovic Butelle n’a toujours pas été remplacé.
Tokosolitaire
Dans la surface adverse, les attaquants angevins ne se sont pas non plus montrés très efficaces. Pour l’heure, Angers se repose sur la grande forme de « Karlito » Toko Ekambi qui, avec quatre buts et une passe décisive en six titularisations, est l’élément majeur de l’attaque angevine. Cela explique en partie le passage en 4-4-2 opéré par Stéphane Moulin récemment : ce système permet à Toko Ekambi de bénéficier d’une grande liberté (il peut attaquer la profondeur, décrocher pour combiner avec ses partenaires, se décentrer pour se faire oublier des centraux).
A ses côtés, Enzo Crivelli, qui certes se bat comme un beau diable, comme l’aurait dit en son temps le regretté Thierry Roland, n’a pas le même rendement. Avec un seul but au compteur (en six matchs), soit autant que l’erreur de casting Baptiste Guillaume, Crivelli n’est pas le fer de lance de l’attaque angevine. S’il « pèse » indéniablement sur les défenses adverses, il devra se montrer plus « tueur » dans la surface afin de valider, en termes de résultats, les bonnes prestations du collectif ligérien.
Malgré ces quelques soucis d’efficacité et compte tenu du calendrier compliqué qui a été le sien, Angers réalise un bon début de saison et affiche des progrès collectifs encourageants pour la suite de la saison. En route vers l’Europe, mon frère.