Pour les yeux du grand public, Nairo Quintana fait office de LA grande révélation de cette centième édition du Tour de France. Pourtant, ce jeune coureur de seulement 23 ans n'en fini plus de progresser et de gravir les échelons. Du Tour de l'Avenir en 2010 qu'il a gagné aisément, à son étape du Dauphiné en 2012 où en passant par ses débuts sur une course de trois semaines lors de la Vuelta en 2012, Quintana confirme tout le bien que l'on pense de lui depuis quelques années. Ce n'est donc pas une si grande surprise de le retrouver ici. Bien que n'étant pas le leader n°1 de la formation espagnole avant le Tour, le petit colombien a su profité de la situation quand Alejandro Valverde, alors son leader, s'est retrouvé piégé après un problème de roue et une accélération du peloton lors de la fameuse étape de bordures.
Une préparation spéciale
On le sait et ce n'est pas un secret de polichinelle, les coureurs colombiens sont attachés à leur pays et à leur famille. Loin d'eux lorsqu'ils évoluent en Europe durant la majeure partie de l'année, un manque omniprésent se fait ressentir. C'est donc dans son pays que Quintana a décidé de faire sa préparation pour cette première Grande Boucle. Après Liège-Bastogne-Liège, sa dernière course avant le grand départ de Corse, il a fait le choix de retourner chez lui, en altitude pour se préparer au mieux. Beaucoup étaient septiques, encore plus quand Eusebio Unzué, manager général de la Movistar, annonçait que son petit poulain n'allait ni faire le Dauphiné, ni le Tour de Suisse en juin. Ce qui est de "tradition" pour ce jauger à trois semaines du début de la plus grande course au monde. Un choix surprenant mais le grimpeur de poche (1m67, 59kg) s'est très bien ce qu'il fait. Le but : reprendre le rythme lors de la première semaine, qui ne proposait aucune étape de montagne.
La tactique, quelque chose à revoir
Nairo Quintana, après une semaine de course sur le Tour, était à moins de trente secondes de Christopher Froome ou encore d'Alberto Contador avant le début des Pyrénées. Un miracle tant on connait les difficultés de ces petits gabarits à rester au contact du peloton lors des étapes de plaine. C'est donc sans retard ou presque qu'il aborde le premier week-end placé sous le signe de la montagne. Si ce problème de plaine est en parti réglé, une chose manque encore : le sens tactique. Sur l'étape d'Ax 3 Domaine, Quintana est le premier à passer à l'offensive, sur la première ascension, le col de Pailhère. Sa facilité est déconcertante. Il s'envole sur les pentes difficiles de ce col hors-catégorie. Pas de plat entre cette montée et celle qui conclu la première arrivée au sommet. Il a donc un petit matelas de moins d'une minutes pour débuter ces 7,8 kilomètres à 8,2%. Mais là est le problème : derrière, Porte fait exploser le peloton, Froome démare et revient sur Quintana, qui se fait lâcher. Son attitude offensive lui fait défaut : avec un effort produit loin de la ligne, il est dans l'incapacité de suivre le britannique. La situation est de nouveau la même sur le Mont Ventoux : il s'envole à 13 bornes du sommet, quand tous les autres n'ont pas - encore - bouger une oreille. Il va prendre là aussi un peu d'avance, qu'il va perdre dès que Chris Froome va bouger, cinq kilomètres plus loin. Le scénario n'est pas le même cette fois : le colombien va pouvoir suivre et répondre aux attaques du maillot jaune, ce qu'il n'avait pas pu faire à Ax 3 Domaines. Mais il va craquer, à un peu plus d'un kilomètre de la ligne.
En fin de troisième semaine, Quintana va enfin se faire discret et ne plus partir de trop loin. Sur l'étape de l'Alpe d'Huez, il n'attaque pas sur la première ascension. Il attend sagement la montée finale et suit Froome lorsque ce dernier attaque et cela assez facilement. Et pour le premier vrai "duel", celui qui a gagné le Tour du Pays Basque en avril dernier, va s'envoler et laisser le maillot jaune sur place. Il va lui reprendre pas moins d'une minute six. Ce grimpeur né fait donc plus que jeu égal avec l'impressionnant Christopher Froome. De quoi, forcément, laisser des regrets sur les précédentes étapes où sans ses quelques petites erreurs de tactique, le retard de Nairo Quintana serait moindre puisqu'encore une fois, lors de l'avant dernière étape, le natif de Combita va reprendre du temps au coureur de la Sky : sur les hauteurs d'Annecy il remporte l'étape et reprend une trentaine de secondes. Et surtout, il passe devant Alberto Contador au général à la deuxième position, conforte son maillot blanc et devient le maillot à pois.
Le contre-la-montre est à travailler
Si des progrès sont à noter sur les étapes de plaine, il reste un exercice ou Nairo Quintana - et les colombiens en général - a du mal : le contre-la-montre, spécialité si particulière. Lorsqu'il s'agit d'un effort solitaire compliqué avec quelques talus, pas de problème, il répond présent. Ce fût le cas au Tour du Pays Basque lors du contre-la-montre final : il avait impressionné, finissant devant Richie Porte et juste derrière Tony Martin, le vainqueur. C'était le cas quelques semaines avant sur Paris-Nice au col d'Eze : troisième. Sur le Tour de France, deux contre-la-montre prévus : l'un tout plat et l'autre plus sélectif. Sur le premier, autour du Mont Saint-Michel, Quintana perd 3'20" sur Froome. C'est beaucoup et pas tant que ça à la fois. A son jeune âge, il va forcément pouvoir travailler sur ce terrain de jeu, et il est donc capable de perdre bien moins de temps. Sur le second, compliqué où un rouleur comme Tony Martin est incapable de briller, il va perdre encore du temps certes, mais "seulement" 1'11". Il termine 6e de l'étape, même. C'est donc très encourageant pour la suite, car même s'il n'arrivera jamais à concurrencer les meilleurs, le but étant de perdre le moins de temps possible, qu'il pourra rattraper dès la route s'élève avec ses qualités exceptionnelles. Une chose est sûre : s'il veut un jour gagner le Tour, il lui faudra de toute façon s'améliorer. Mais dans une équipe structurée comme la Movistar, il ne fait aucun doute qu'il sera bien pris en charge.
Il n'est pas le seul...
Au-delà de ce formidable coureur, il existe une génération colombienne dorée. Sur le premier Grand Tour de la saison, le Giro, les colombiens ont joué un rôle majeur. Rigoberto Uran de chez Sky a terminé à la seconde place. Avant le départ il devait être un simple équipier de luxe pour Bradley Wiggins. Mais comme son compatriote de la Movistar, il est devenu au fil des jours le leader l'équipe britannique, au détriment d'un "Wiggo" très vite hors du coup. Vainqueur d'une étape de haute montagne en solitaire, Uran a pris la deuxième place du classement général lors de l'avant dernière étape sur les pentes des Trie Cime en faisant craqué un Cadel Evans à bout de force. Là aussi comme Quintana... Le pensionnaire de l'équipe Sky va changer d'air en fin de saison. En effet, selon toute vraisemblance et comme l'a confirmé le directeur d'Omega Pharma-Quick Step pendant le Tour, un accord oral existe entre le coureur et l'équipe belge, qu'il rejoindra donc pour la saison prochaine. Il aura donc un rôle de leader incontesté sur les courses par étapes. Mais il rejoint aussi une équipe basée sur Mark Cavendish et les classiques flandriennes. Est-ce un bon choix ? Il est difficile de le dire aujourd'hui, l'avenir nous le dira ! Mais Rigoberto Uran n'était pas le seul à briller sur les routes italiennes. Carlos Betancur a joué un rôle essentiel : souvent placé à la seconde, troisième ou quatrième place, le coureur de l'équipe AG2R La Mondiale a conclu son Giro à la 5e place et meilleur jeune. Il a surpris bon nombre de spécialistes. Toujours à l'attaque, excellent dès que la route s'élève, le protégé de Vincent Lavenu a donné rendez-vous à l'avenir. Il avait auparavant été excellent sur les ardennaises : 3e place sur la Flèche Wallone, 4e sur Liège-Bastogne-Liège. Et tout ça pour sa première année en World Tour. Ça vous situe le potentiel de ce garçon de 23 ans. Au milieu de tout ça, il ne faudrait surtout pas oublier de toucher un mot sur le talentueux Sergio Henao. 9e du Giro l'an passé, il n'a pas su faire mieux cette année. Il a terminé à la 16e place, tout en ayant beaucoup travailler pour son équipe. Lui aussi coureur de l'équipe Sky où il devrait continuer l'aventure l'an prochain, Henao devrait être leader de son équipe lors de la Vuelta en août-septembre. Placé aussi sur les ardennaises, 4e de l'Amstel Gold Race et 2e de la Flèche Wallonne, il est l'un des colombiens qui a confirmé son immense talent. Ce sont donc 4 coureurs d'un même pays (Quintana, Henao, Betancur, Uran) qui brillent depuis plusieurs mois et qui confirment course après course au plus haut niveau. Et ils ont entre 23 et 26 ans.
Une équipe colombienne invitée sur le Giro
Mais une question vous traverse sûrement l'esprit : pourquoi ne pas réunir toutes ces pépites et en faire une équipe ? Cela aurait de la gueule c'est sûr, mais réunir que des grimpeurs, ce n'est pas l'idéal. Cependant, il existe bel et bien une équipe exclusivement colombienne. Celle-ci a beaucoup fait parler d'elle en début d'année, après avoir reçu une invitation pour un Grand Tour, le Giro 2013. 30 ans après la dernière, la Colombie est de retour au premier plan.
Esteban Chavès, John Darwin Atapuma ou encore Fabio Duarte. Ces noms ne vous disent pas grand-chose, mais ce sont sans doute les meilleurs grimpeurs de l'effectif de la formation Colombia. Deux ont participé au Giro : Atapuma, qui a déjà prouvé sur le Tour de Californie et sur le Tour du Trentin qu'il était un très bon grimpeur et Duarte, qui a gagné en 2011 une étape de haute montagne sur le Tour du Trentin. Le troisième, Chavès, était prévu. Une blessure au bras droit lui a coûté sa place. Et c'est bien dommage, car il s'agit, selon les dires du staff, du coureur le plus prometteur. Pour en revenir à cette équipe, malheureusement elle ne va pas énormément pesé sur la courses, mise à part Robinson Chalapud lors du final de la 4e étape. Mais une image aura marquée la fin du Tour d'Italie : alors que Vincenzo Nibali s'envole sur les pentes des Trie Cime, quelques secondes derrière, à ça chasse, il y a un trio colombien : Uran, Betancur et Duarte. Et dans ces moments-là, ils oublient - presque - qu'ils ne défendent pas les mêmes équipes, et s'associent. Ils finiront à une vingtaine de secondes du Requin de Messine. Mais cette équipe Colombia, relativement faible, n'a pas réalisé un grand Giro. Pas une victoire et pas un coureur placé au général (Atapuma 18e, Duarte 28e). De quoi faire fuir les organisateurs qui donnent des invitations ? Cette équipe créer en 2012 devrait progresser au fil du temps. Du moins, on l'espère. Et pourquoi pas un jour être en première division...
Une trentaine d'années après les exploits de Luis Herrera et Fabio Parra, les colombiens sont bien de retour, en force et plein de panache. Nous n'avons pas fini de nous farcir ces grimpeurs nés au talent hors du commun. Mais personne ne va s'en plaindre tant le spectacle qu'ils offrent est beau.