Stéphane Robert est un tennisman pas comme les autres. Un tennisman qui prend le tennis comme un amusement, préférant le soleil à des tournois mieux classés. Un tennisman qui détonne, décrit comme marginal par certains, un battant qui est terriblement attachant. Portrait.
Jouer au tennis, un plaisir
Pour Stéphane Robert, jouer au tennis est avant tout un plaisir. Contrairement à l'immense majorité de ses concurrents, il privilégie le plaisir de jeu au classement du tournoi. Ainsi, il passa plusieurs mois l'année dernière en Australie. Nouméa puis les qualifications du tournoi du Grand Chelem avant d'enchaîner sur des Challengers peu connus. "Je m'adapte un peu avec ce que j'ai comme budget. L'an dernier, quand je suis venu en Australie et que je suis resté longtemps, je suis allé dans les backpackers [auberges de jeunesse], à la bonne franquette." Il se qualifie comme un caméléon. Passer des hôtels de luxe à des auberges de jeunesse ne le dérange pas. Parce que seul le plaisir de jeu compte. Ainsi, Robert préfère se faire plaisir plutôt que de gagner de l'argent. La notoriété n'est pas sa principale préocupation, rester à l'ombre n'est pas un problème pour lui. Ainsi, au grès de ses envies, il monte ou descend, pouvant être 61ème en février 2012 et 300ème quelques mois plus tard. Lors du prochain classement, il intègrera le top 100 et pourrait titiller la 75ème place, pouvant se payer le luxe de ne pas passer par les qualifications en Grand Chelem.
Cela ne modifiera pas ses habitudes. Ainsi, il gardera sa création, le Créma bisou (voir photo ci-dessus). Un geste qu'il réalise quand il réalise de beaux points ou gagne des matchs importants. Ce geste réalisé avec deux doigts de la bouche vers le cou devient mystique. "Ce signe, c'est un bisou que j'envoie au ciel pour remercier Dame Nature de me permettre de faire un coup aussi bon. Quand on touche une balle et qu'on est vraiment en rythme, on a cette sensation d'unité avec l'univers. Cela m'amuse d'avoir ce petit clin d'œil à chaque fois" livre-t-il. Le Créma Bisou est un geste qui lui permet d'extérioriser ses sentiments positifs. Ceux négatifs, il les garde sous sa casquette, lui qui aime tant avoir ce couvre-chef : "J'ai une part de folie en moi, intéressante mais à canaliser. Je suis du genre à me traiter mille fois d’imbécile ! J’essaie donc de travailler sur moi-même, en me concentrant sur le relâché de ma main, sur ma respiration, sur mon ventre", ce qu'il a fait avec Ronan Lafaix, son ancien entraîneur en pratiquant régulièrement la sofrologie. "Travailler les yeux fermés ou avec des boules quiès, car quand on bloque un sens, on développe les autres. C’est moi qui décide. C’est un dialogue pour que tout soit clair dans ma tête. Si je perds mon objectif, je perds mon calme."
Il joue en fonction de ses rencontres humaines
Robert n'a pas de plan de carrière. Il va sur des tournois au feeling. Ainsi, il du attendre l'année dernière pour jouer à l'US Open car il n'aime pas les grattes-ciel, la foule qu'il trouve oppresants. Son ami Laurent Rochette (641ème mondial) a du le convaincre d'y aller jouer les qualifications dont il s'extirpa pour atteindre le deuxième tour. Autre exemple, en difficulté financière, il doit dormir deux nuits dans une auberge de jeunesse en Australie. Il sympathise avec un touriste néo-zélandais et devient ami avec lui. Un an plus tard, Stéphane Robert ne l'a pas oublié, l'a invité à venir dormir à l'hôtel avec lui et lui a fait une accréditation pour le tournoi. Robert se fait ami avec des chauffeurs de taxi, est proche des spectateurs...
Son plan de carrière n'est pas établi, il voyage en fonction des destinations et de la chaleur humaine des gens. "Mon calendrier ne rime souvent à rien sur le plan sportif. Mais il correspond à des gens que j’ai envie de voir, des ambiances à découvrir…" confirme-t-il. L'exotisme prime comme par exemple ses trois premiers mois de l'année 2013 qu'il passa dans l'hémisphère Sud entre Nouvelle Calédonie, Australie et Nouvelle-Zélande. Les rencontres sont son principal moteur, les victoires ne sont que le carburant.
Sa victoire contre Berdych à Roland-Garros, un rêve réalisé
Certes, Stéphane Robert n'a pas de plan de carrière. Néanmoins il avait un souhait : "Le seul objectif que j'avais réellement dans ma carrière de joueur était de faire un coup à Roland Garros". C'est ce qui se passa ce 23 mai 2011, sur le court n°2. Après avoir franchi les qualifications, Robert tombe contre Tomas Berdych, membre du top 10. Il ne lâche rien, mené deux sets à rien, il finit en cinq sets, sauve une balle de match et s'impose 9-7 au dernier set. Après ça il peut "comme disait Thierry Roland, mourir tranquille". Cette performance l'avait fait découvrir au grand public, dont la plupart l'avait oublié avant ce nouveau coup d'éclat à l'Open d'Australie. Cette victoire est la seule pour lui à ce jour sur un top 10, même si l'on peut signaler sa victoire contre David Ferrer en demi-finale du tournoi de Johannesburg, mais quand celui-ci n'était pas encore dans le top 10.
Robert n'a aussi pas rencontré beaucoup de grosses pointures car sur 594 matchs, il n'en a disputé que 48 sur le circuit ATP principal. Car disputer des matchs sur celui-ci n'est pas une obsession pour lui, loin de là. L'argent, les paillettes... Tout ça n'a une saveur pour Robert que s'il faut se battre pour s'y accéder, si l'on a connu les tournois de seconde voir troisième zone. Parce que c'est aussi ça, le tennis.
Melbourne, la grâce
Stéphane Robert est en deuxième semaine en Australie. Son tournoi n'a pourtant pas commencé lundi dernier mais une semaine plus tôt, lors des qualifications. Echouant au dernier tour de celles-ci en étant battu par l'Allemand Michael Berrer, il est éliminé. Mais pas immédiatement. En effet, il est un des quatre joueurs les mieux classés à l'ATP ayant atteint le dernier tour. Du coup, il devient possible lucky loser. Comprenez, un joueur qui remplace un autre blessé avant le premier tour. Dans le tirage au sort d'entre ces quatre rescapés, il est tiré deuxième. Ce qui veut dire qu'il fallait deux abandons pour que Robert joue. Le premier fut celui d'Almagro. Le deuxième tarda. Le natif de Montargis cru d'abord que ce fut Gilles Simon mais quand ce dernier déclara jouer, Robert s'énerva et confia à ses proches : "Je ne comprends pas… Il est sur des béquilles et il va quand même aller jouer alors qu’il a une cheville qui n’est pas du tout en état".
Le mardi 14 janvier, dernier jour du premier tour, sa dernière chance pour jouer, Robert se met dans les vestiaires, puis sort de son sac un numéro du Monde Diplomatique daté de... mars 2013. En effet, SR aime ramasser dans les aéroports des journaux puis les lire plus tard, quand il attend le début de ses matchs en tournoi. Ce jour-ci donc, aux alentours de 11 heures, Kohlschreiber déclare forfait. Le juge arbitre vient en urgence chercher le Français, dont les cordes de ses raquettes ne sont même pas ajustées. "Je ne savais même pas qui je jouais" avouera-t-il après coup. Mais des chances comme celles-ci, on n'en a pas dix dans une carrière. Robert mis donc toutes ses forces contre le Slovène Bedene avant de démarrer son aventure australienne. Et deux tours plus loin, le voilà contre Murray. Sa qualification en huitièmes de finale lui permettra de boucler son budget pour l'année. Il jouera sur le Hisense Arena face à l'Ecossais et n'aura pas de complexes à l'heure de l'affronter. C'est justement pour celà qu'on l'aime, notre Stéphane Robert.