Hautacam est un col tout à fait particulier en France qui surplombe Lourdes et certains dirons qu'elle est une montée maudite d'une part de par son profil très torturé et ses changements de rythme ne laissant aucun répit aux coureurs (13,6 kms à 7,8%) et d'une autre part car elle ne sacre que des coureurs atypiques au passé plus que sulfureux.
Les organisateurs du Tour de France 2014 n'en ont pas moins décidés vingt ans après sa première ascension de faire de cette montée mythique, le juge de paix de l'épreuve peut être aussi dans le but d'en redorer le blason après tant d'années troubles.
1994 : Leblanc et le jaune
En 1994, le peloton découvre l'ascension d'Hautacam le 15 juillet au lendemain d'une journée de repos.
Dès le pied c'est un jeune grimpeur italien de 23 ans Marco Pantani deuxième du Giro deux mois auparavant qui passe à l'attaque et prendra rapidement une quarantaine de secondes sur un groupe mené par les Banesto de Miguel Indurain. Le maillot jaune espagnol largement en tête du général après le chrono de Bergerac et voyant très vite son principal rival suisse Tony Rominger en difficulté décide d'attaquer ou plutôt d'imposer un tempo très élevé que très peu parviendrons à tenir.
En fait seuls trois français parvinrent dans un premier temps à suivre à savoir le surprenant leader des Castorama Armand de Las Cuevas et les deux Festina Richard Virenque et Luc Leblanc.
Les deux premiers cités craquerons à 4 kms du sommet laissant Luc Leblanc seul suivre difficilement la roue de Miguel Indurain. En pur grimpeur et assez habitué aux changements de rythme, Leblanc tiendra bon et Pantani repris par les deux hommes à près d'1 kilomètres de l'arrivée ne pourra qu'assister impuissant à une première attaque de Leblanc ressemblant plus à une tentative désespérée que Indurain parera sans aucune difficulté. Mais le navarrais en grand seigneur et certainement pour ne pas s'attirer l'inimité des Festina à deux semaines de la fin du tour, laissera Leblanc s'imposer.
Indurain remportera sans aucune difficulté le tour 94 et Luc Leblanc qui en finira 4e sera sacré champion du monde un mois plus tard.
1996 : Bjarne Riis, bien trop gros pour être vrai
En 96, Hautacam est franchi en troisième semaine d'un tour dominé de main de maître par Bjarne Riis. C'est dans ce col que le danois veut tuer définitivement le tour. C'est dans ce but qu'il demande à son jeune équipier allemand Jan Ullrich de durcir le pied de l'ascension.
Cette accélération brutale permet de lâcher très rapidement Rominger 3e du général et au groupe d'une dizaine de coureurs de revenir sur Alex Zülle le dernier homme en tête. C'est à partir de ce moment que le danois décide de jouer avec ses adversaires de façon assez dérangeante, se permettant tout d'abord de rétrograder et ainsi toiser uns à uns du regard ses principaux rivaux pour ensuite lancer plusieurs banderilles qui n'ont pour but que d'asphyxier les Leblanc, Indurain, Dufaux, Virenque dans un premier temps. Une ultime accélération scellera le sort des rivaux qui ne se battrons que pour les accessits. Le danois s'imposera avec près d'1 minute d'avance sur un trio composé de Dufaux, Virenque et Piepoli (on en reparlera de lui) au sommet d'Hautacam et s'assurera définitivement du succès final.
Il sera difficile à l'issue de l'étape pour les principaux médias de s'enthousiasmer devant cette démonstration tant elle ne laissa aucune place aux doutes. Il était fortement improbable qu'un coureur de ce profil puisse créer de telles différences et pourtant ce fût le cas.
Maintenant nous savons de quoi il en tenait suite aux aveux du danois en 2007 mais personne n'était réellement dupe. Cet épisode sera à jamais considéré comme le nec plus ultra des années dopage.
2000 : Otxoa devant la fusée texane
Hautacam ne sera empruntée que quatre ans plus tard durant l'édition du tour 2000 et donnera lieu à l'un des premiers faits d'armes de Lance Armstrong.
Si c'est le jeune grimpeur espagnol de l'équipe Kelme, Javier Otxoa parti en échappée très tôt qui remportera son premier et seul succès professionnel, c'est bien la performance de l'américain Lance Armstrong qui restera dans les mémoires. Profitant de conditions pluvieuses qu'il adore, le texan part dès le pied et distance tous ses principaux rivaux à commencer par Marco Pantani, Jan Ullrich, Richard Virenque ou encore Alex Zülle. Armstrong créera des écarts très importants et n'échouera qu'à 43 secondes d'Otxoa, l'espagnol qui comptait plus de dix minutes d'avance au pied.
Après cette prestation, Armstrong n'a plus de rivaux et remportera tranquillement son deuxième tour de France. Et on sait maintenant depuis les aveux d'Armstrong en 2013 que cette performance n'avait rien de naturelle.
La suite de carrière d'Otxoa le héros du jour prendra un tournant dramatique. En effet renversé quelque mois plus tard par une voiture à l'entrainement avec son frère jumeau Ricardo lui aussi professionnel chez Kelme qui décédera des suites de ses blessures, Javier Otxoa ne se remettra jamais des graves sequelles au cerveau. Il deviendra champion paralympique en 2004.
2008 : Piepoli pour une victoire décriée dix ans après.
En 2006, l'étape d'Hautacam est la deuxième étape pyrénéenne et donnera lieu à l'escroquerie de la sulfureuse équipe Saunier-Duval qui aura marqué ce tour par ses performances tout d'abord et ensuite les affaires de dopage qui se succéderons.
Leonardo Piepoli 36 ans et déjà présent et troisième de la montée d'Hautacam douze ans auparavant lors de la "démonstration" de Bjarne Riis sera avec son équipier Juan-José Cobo le héros du jour si on peut appeler cela ainsi quand on connait la suite des événements pour les hommes de la Saunier Duval.
Le duo clairement au-dessus du lot lâchera au train tous ses adversaires parmi lesquels Carlos Sastre futur vainqueur de l'épreuve, les frères Schleck ou encore Cadel Evans et arrivera ensemble au sommet. C'est Piepoli qui s'imposera facilement sans jouer le sprint à son équipier.
Quelque jours plus tard, Piepoli sera contrôlé positif et l'équipe Saunier Duval exclue du Tour ce qui n'empêchera pas Juan-José Cobo d'être déclaré finalement vainqueur suite au déclassement de l'italien
Pour conclure on peut dire que cette montée d'Hautacam fait partie de la légende du tour tant les événements qui s'y sont déroulés ont malgré tout marqués les esprits parfois pour de mauvaises raisons en lien avec le dopage comme si il fallait être "chargé" pour réussir à s'imposer dans une montée si difficile.
Hautacam n'en reste pas moins une belle montée qui peut créer la décision cet après-midi. En espérant que les événements du jeudi 24 juillet 2014 resteront dans la légende pour des raisons honorables. Hautacam le mériterait bien enfin une bonne fois pour toutes.