Tel un phoenix, Roger Federer renaît de ses cendres. À maintenant 34 ans et père de quatre enfants, l'Helvète connaît une excellente saison marquée par un changement structurel de son jeu. Malgré un début d'année compliqué, il a mis la seconde après Roland-Garros et n'a perdu qu'un seul match depuis la fameuse défaite contre Stan Wawrinka, futur vainqueur Porte d'Auteuil. Ce changement structurel, couplé à de nouvelles inventions parfois farfelues, a permis le renouveau de l'homme le plus sacré de l'ère Open.
Un service très performant
Chez le Suisse, la mise en jeu a toujours été une arme destructrice. En effet, ses pourcentages de jeux de services gagnés en carrière sont ahurissants : 88% ! Son mètre quatre vingt cinq et sa fluidité dans le geste lui permettent de trouver de la puissance mais également des variations, et son service en est donc plus performant et illisible. Si parfois des blessures au dos lui ont fait connaître des difficultés à ce niveau, son service est parmis les tous meilleurs, et ce depuis quelques années.
Cette année, les chiffres sont encore plus effarants. Roger Federer a gagné 93% de ses mises en jeux, et certains affirment aujourd'hui qu'il n'a jamais aussi bien servi. Dans son jardin londonien, il a offert à de nombreuses reprises de véritables leçons au service à des joueurs comme Gilles Simon ou bien Andy Murray, impuissants devant la première balle mais également devant la deuxième balle du Suisse. Utilisant un lancer de balle semblable à toutes ses zones, il brouille continuellement les pistes et seul Novak Djokovic a trouvé la clé du puzzle. Développant un jeu d'attaque à outrance depuis le début du gazon, son service, pierre angulaire et ligne de départ de ses assauts, lui sert énormément.
Un jeu clairement tourné vers l'offensive
En 2014 a eu lieu un véritable déclic chez "RF". Dans le clan du Suisse, une nouvelle tête, loin d'être inconnue au bataillon. Stefan Edberg, suédois très offensif ayant déjà été numéro un mondial a décidé de collaborer avec Federer pour que celui-ci revienne au plus haut niveau. Le choix parfait ? Pas loin. Stefan Edberg a réussi depuis à impreigner son style de jeu et sa philosophie à travers son poulain, et par le biais de celle-ci, à révolutionner le jeu du numéro deux mondial. Désormais, Roger revient aux bases, au jeu qui lui a fait gagner tant de titres et dominer le tennis mondial, les cannes en moins.
Car évidemment, le Suisse ne possède plus ses jambes de 20 ans. Ces jambes qui lui permettaient de pouvoir être agressif tout en étant capable de gagner de nombreux rallies contre tous les joueurs. Il sait désormais que son jeu du fond du court de 2013 ne lui permettrait jamais de revenir batailler pour les grands titres, car son déclin physique était lui, inévitable. Il lui fallait un homme pour le changer, et cet homme ne pouvait être que Stefan Edberg.
Paul Annacone avait, quelques années auparavant, tenté de changer le Suisse et sa manière d'évoluer, voulant le faire rentrer dans le terrain à tout prix, sans succès. Certainement l'ego Federien peut-on penser, où dans son esprit pour coacher Roger Federer et le changer du tout au tout, il faut une aura et une crédibilité. Non pas qu'Annacone soit un mauvais coach, mais c'est bel et bien l'aura d'Edberg qui aura contribuée au renouveau.
Depuis 2011 et la demi-finale époustouflante entre lui et Novak Djokovic, où il avait crée la surprise lors d'un des plus beaux matchs de l'histoire du Chatrier, on n'avait presque plus vu un Roger aussi agressif et entreprenant que lors de sa demie contre Andy Murray, ou bien celle d'il y a peu contre Stan Wawrinka. Les deux pieds dans le court, agressant son adversaire en le privant de temps et prenant la balle au sommet du rebond, en totale réussite, rien ne peut arrêter ce Federer, vraiment ?
Une invention folle mais issue du génie : le SABR
Après une coupure bien méritée après Wimbledon et une absence à Montréal, Roger Federer nous a inventé quelque chose de nouveau : le SABR, Sneak Attack by Roger (attaque en douce par Roger, ndlr). En quoi cela consiste-t-il ? C'est simple : sur certaines deuxièmes balles adverses, le Suisse se rue au filet et prend la balle en demi-volée en étant positionné quasiment dans le carré de service, dans le but de gagner du temps sur l'adversaire et lui mettre une pression instantannée, à peine le service déjà tapé.
Lors de son premier match à Cincinnati, face à Roberto Bautista-Agut, c'est resté au stade de concept peu matéralisé encore. De nombreux passings-shots encaissés, volées mal calibrées et même retours ratés. Mais petit à petit, cette technique s'est perfectionnée pour obtenir un niveau d'efficacité très élevé. De manière ponctuelle il rappelle à son opposant qu'il peut lui mettre la pression et l'obliger à taper un passing toujours compliqué, bien que Roger ne soit pas le meilleur volleyeur du monde.
Ensuite, face à Novak Djokovic, quelques matchs après, il a de nouveau exécuté ce geste, déjà devenu mythique alors que cela ne faisait même pas une semaine qu'il était inventé. Faisant peur à ses adversaires, il a même réussi ce coup dans un point crucial du jeu décisif du premier set, assomant par le même coup son adversaire, désabusé devant une telle "improvisation".
Cela n'a d'ailleurs pas beaucoup plu à l'entraîneur/conseiller du Serbe, Boris Becker, pourtant idole de jeunesse du Suisse, déclarant que si McEnroe ou Lendl avaient osé tenter cela face à lui, nul doute qu'ils les auraient allumés à pleine puissance. Classe.
Et alors qu'il avait annoncé que c'était temporaire et que les circonstances de l'US Open ne lui convenaient pas pour réaliser le SABR, Roger Federer a changé d'avis. La structure du toit du court Arthur Ashe couvrant celui-ci du vent et le court étant plus rapide qu'à l'accoutumée, il a continué à réaliser ce coup prodigieux, véritable révélation et symbole de la réussite et de l'ambition nouvelle du Suisse. Mettant tantôt la pression sur Kohlschreiber, tantôt sur Gasquet, tantôt sur son compatriote Wawrinka qu'il a battu sans coup férir, il a de nouveau montré à la planète tennis que malgré l'harmonisation des surfaces, le jeu d'attaque pouvait encore triompher, et dominer.
Roger Federer peut-il gagner d'autres grands tournois ? Est-il aussi bon voir meilleur qu'auparavant ?
Deux ans auparavant, personne n'aurait osé parier sur un renouveau du Suisse, passant par un jeu offensif mis en exergue. Mais aujourd'hui, personne ne semble capable de battre un Roger Federer en pleine forme, et en réussite. Novak Djokovic a bien disposé de lui en finale de Wimbledon, mais le syndrome du "Day After" la démonstration en demie face à Murray a certainement déstabilisé le Suisse. Aujourd'hui en finale de l'US Open, pour la première fois depuis 2009, le papa de deux paires de jumeaux, il semble à 100% de sa condition physique et s'est économisé pendant deux semaines. Face à un Nole dominateur contre un Cilic diminué mais sinon trop peu appliqué dans ses matchs, il aura toute ses chances pour décrocher un dix-huitième sacre en Grand Chelem.
Il n'est même pas totalement exclu, dans une Weak Era du tennis mondial permettant à un Novak Djokovic loin de son niveau de dominer la planète tennis de voir Roger Federer passer la barre des vingt titres en Grand Chelem, grâce à une longévité exceptionnelle. Son corps, lui, semble aller bien, sans grosse blessure ni grosses fringales, et lui permettra certainement d'aller plus loin que son objectif initial d'il y a quelques années : les Jeux Olympiques de Rio de Janeiro, qui se déroulera sur un dur plus ou moins semblable à la tournée américaine, de quoi lui donner des idées.
Cependant, malgré toutes ses inventions et son renouveau, il est compliqué d'imaginer que Roger soit meilleur qu'auparavant. En effet, l'effet de surprise de revoir celui-ci à un niveau exceptionnel éclipse la mémoire qui nous permettrait de dire que ses saisons 2004-2007 ont été bien au-delà. Ainsi, Roger Federer progresse, se renouvelle, et émerveille. Même s'il n'est plus à son niveau physique et du fond que dans ses meilleures années, elles ne paraîssent plus aussi loin, et les étoiles se rapprochent.