C'était dans l'air depuis plusieurs jours maintenant, Yann M'Vila rejoint officiellement les Verts sous la forme d'un transfert libre pour une durée d'un an et demi (contrat allant jusqu'en juin 2019). Le Rubin Kazan ne payait plus le milieu de terrain français, il fallait donc attendre pour le club stéphanois que la FIFA règle ce litige afin d'autoriser le transfert et l'officialisation. Le joueur est arrivé dans le Forez mercredi et se serait soumis, selon plusieurs sources, à d'importants efforts financiers. Après l'échec Mitrovic, Saint-Étienne enregistre ainsi sa première recrue du mercato hivernal. Retour sur le début de carrière du milieu de terrain de 27 ans.
Né en 1990, fils d'un dénommé Jean-Elvis, Yann M'Vila, c'est avant tout le cliché d'un type des couches populaires, qui remercie le foot de l'avoir détourné d'un futur moins honnête. « Sans le foot, j'aurais pu voler des bagnoles » dégainait l'intéressé dans les colonnes de l'Equipe en mai 2010.
Tout commence en 2004. Surclassé lors de sa pré-formation à Amiens, le Picard attire l'œil de Patrick Rampillon, directeur de la pépinière rennaise. Il intègre par la suite la CFA et l'équipe B du Stade Rennais dès la saison 2007/2008. Lors de l'exercice 2008/2009, une sale blessure à l'orteil et une générosité un peu trop cramponnée en CFA intiment Guy Lacombe à retarder son éclosion. M'Vila s'impatiente : « J'étais dégoûté. J'étais pro mais je m'entraînais uniquement avec la réserve. Pourtant je faisais mon boulot, discrètement. Je ne suis pas un perturbateur, je ne demandais pas à jouer. Seulement à m'entraîner avec les pros. Comment Guy Lacombe pouvait-il savoir si j'étais bon ou pas ? ». Un an plus tard, M'Vila profitera d'une suspension de l'un de ses coéquipiers pour débuter en L1 contre l'OM, lors de la 3ème journée. Dès ses débuts au plus haut niveau, il impressionne. « Il a bousculé la hiérarchie » avoue Frédéric Antonetti. L'entraîneur corse tient dans son effectif un crack et ne se le cache pas : « Pour un jeune de dix-neuf ans, il a une maturité exceptionnelle dans le jeu. Peut-être peut-il même faire la Coupe du Monde ! Je l'avais dit à l'époque pour Lloris. Je le dis aujourd'hui pour M'Vila ». Malgré une expulsion la journée suivante contre Lens, il ne quittera plus le milieu breton et alignera les grosses performances, grâce à une sobriété dans son jeu plutôt rare à son âge. Physiquement, M'Vila commence à devenir un bon morceau (1,83 m pour 80 kg), marathone bien entre les lignes et techniquement, sans être non plus révolutionnaire. Lizarazu, sur RTL mercredi soir, encensera à son tour les qualités indéniables du jeune milieu de terrain : « M'Vila, j'ai adoré. À 20 ans, autant de sérénité, de sobriété, de justesse, c'est assez étonnant. Il est super tranquille, c'est la grosse révélation de ce match-là ».
Désormais, une bonne partie du monde du football en a pris conscience : Yann M'Vila est un crack. Cette maturité si rare à son âge peut s'expliquer par son statut de père, déjà, du jeune Kellil depuis ses 18 ans. Elle peut également être dû par la rencontre de bonnes personnes, comme Antonetti ou Dréossi, l'année de la Coupe du Monde. Son caractère presque insolent, lui attirera de nombreuses critiques : « Il ne faut pas se laisser intimider. Sur le terrain, il n'y a pas de pitié, de toute façon. Ici, je respecte énormément les anciens. Mais si un ancien me manquait de respect, je lui expliquerais que je ne suis pas là pour blaguer. Il ne faut pas me prendre pour une merde ou un tout petit ».
Été 2010 arrive cette fameuse Coupe du Monde, en Afrique du Sud. Malheuresement pour M'Vila il ne sera que simplement pré-séléctionné par Raymond Domenech mais ne sera pas du voyage à Knysna.
A l’été 2011, Yann M’Vila avait l’Europe à ses pieds. Arsenal, Barcelone, le Real Madrid, tout le monde voulait s’offrir le milieu de terrain rennais. Mais sans le savoir, c'est le début du cauchemar pour Yann M'Vila.
Après un match amical de l’équipe de France face au Chili à Montpellier (1-1) en août 2011, M’Vila, titulaire ce jour-là, choisit de «fêter» sa bonne prestation en compagnie d’un ami avec deux prostituées … qui finissent par lui dérober montre, ordinateur, smartphone et argent liquide. Le joueur porte plainte, ce qui contribue à ébruiter l’affaire dans les médias. Six mois et une saison banale plus tard, nouvel incident malheureux. M’Vila est interpellé à domicile et doit passer 24 heures en garde à vue à la suite d’une plainte d’un mineur de 17 ans qui accuse le joueur de l’avoir frappé. M’Vila reconnaît «une réaction inappropriée», mais explique cela par un prêt d’argent non remboursé. Puis arrive l’Euro 2012 qui ne va pas redorer son image. Sportivement, M’Vila ne fait pas de miracles avant de terminer sa compétition par une sortie boudeuse sans saluer Laurent Blanc, ce qui lui vaut un match de suspension de la part de la FFF. Relégué en équipe de France espoirs pour encadrer la jeune génération qui joue sa qualification pour l’Euro, M’Vila s’enfonce encore. A l’automne, entre les deux matchs de barrage qualificatifs face à la Norvège, M’Vila fait le mur en pleine nuit avec quatre coéquipiers depuis le Havre (Mavinga, Griezmann, Ben Yedder, Niang) pour passer la nuit en boîte de nuit à Paris. C’en est trop pour la Fédération, qui le suspend de toute sélection en équipe nationale jusqu’au 30 juin 2014.
Derrière, Yann M'Vila quitte la Bretagne et le Stade Rennais pour signer au Rubin Kazan contre une indemnité estimée entre 12 et 18 millions d'euros. Dans un championnat techniquement à sa portée, M'Vila ne s'adapte pas et se perd très vite. Quelques apparitions à partir d'avril, puis une sortie quasi complète de l'équipe avec l'arrivée du nouveau coach Rinat Bilyaletdinov, qui lui reproche de manquer certains entraînements. Seulement un an après son arrivée en Russie, il est prêté en Italie, à l'Inter. Un prêt qui va s'avérer non concluant et qui sera même écourté. Huit petites apparitions plus tard, et Yann M'Vila est de retour en Russie dès le mois de janvier. Six mois plus tard, une sombre histoire de saccage de maison et d'extorsion de fonds à Moscou, où il aurait été victime du chef de sécurité du Dinamo Moscou et M'Vila quitte une nouvelle fois le Rubin Kazan sous la forme d'un prêt. Après l'Italie, M'Vila rallie la Premier League, du côté de Sunderland. Il effectue une saison pleine (37 matchs) depuis près de 5 ans. Son entraineur Sam Allardyce ainsi que le club des Black Cats tombera sous le charme de son nouveau milieu de terrain. Mais le plan de relance idéal en Angleterre n'a pas eu de suite. La faute à un employeur russe, le Rubin Kazan, pas décidé à brader son joueur malgré un contrat arrivant alors à terme à l'hiver. Environ dix millions d'euros d'indemnité et un salaire estimé à plus d'un demi-million mensuel par le Sunderland Echo. Sunderland aurait pu casser sa tirelire, M'Vila faire un sacrifice financier... Personne n'a bougé et le Français est resté au Rubin Kazan, un club que Chris Mavinga estimait il y a quelques mois facile à rejoindre, « mais plus difficile à quitter ».
Été 2017, et Yann M'Vila arrive donc dans ce qui sera a priori le meilleur moment de sa carrière, celui de la maturité, à 27 ans. Au final, après de multiples voyages dans toute l'Europe, M'Vila arrive à un tournant de sa carrière sans avoir joué le moindre match de Ligue des champions, sous les couleurs d'un club russe où il a prolongé son contrat jusqu'en 2020. Le Français est redevenu titulaire depuis octobre sous les ordres de Javi Gracia, probablement en partie grâce à cet accord contractuel. À défaut de rattraper le retard accumulé, Yann M'Vila est donc redevenu un footballeur à plein temps. À 27 ans, il était temps.
Désormais, il devra regagner cette place de titulaire en France, dans le Forez, pour pouvoir crever l'écran et ainsi espèrer s'offrir une dernière grande et belle expérience sur la scène européenne dans quelques mois. Yann M'Vila a désormais les cartes entre ses mains.