Making off : Paul-Henri De Le Rue a accepté de répondre à nos questions quelques jours avant de partir en Russie. Disponible, il fut peu loquace mais ses mots furent forts. Sans concessions, il accepte ses erreurs passées et n’épargne personne.
Bonjour Paul-Henri, après avoir fait du ski, vous découvrez le snowboard à huit ans puis vous décidez de continuer sur cette voie. Pourquoi ?
Ce qui m’a attiré dans ce sport, c’est son côté ludique et sa polyvalence. En ski, on voulait faire de moi un champion mais à huit ans, je n’en avait rien à faire d’être en champion, je voulais m’éclater sur les pistes et faire le “con”. En snowboard justement, on m’a appris à sauter des bosses, on m’a amené faire du hors-piste et on m’a expliqué ses dangers, on m’a répêté les consignes de sécurité… J’ai fait aussi de l’alpin mais quand je montais sur une planche, j’avais de bonnes sensations mais l’idée était avant tout de s’amuser alors qu’en ski, c’était avant tout les résultats. En prenant du plaisir, je travaillais et très rapidement, j’ai fais des podiums en championnat de France jeunes, j’ai de plus en plus donné de ma personne. J’ai fait des concessions, je suis devenu de plus en plus rigoureux jusqu’à mon podium olympique en 2006.
Justement, juste avant, vous devenez en 2004 champion du monde junior, que ressentez vous à ce moment là ?
C’était une sorte de consécration pour moi que d’être champion du monde junior. Quatre ans plus tôt, j’avais fini terminer vice-champion du monde mais je suis tombé sur le dernier saut et je me suis fais doubler par les deux autres concurrents derrière moi. C’était une énorme frustration pour moi. Je voulais absolument ce titre de champion du monde junior, il m’arrivait à chaque fois des problèmes et j’ai réussi à obtenir ce titre ma dernière année chez les juniors.
"En ski, on voulait faire de moi un champion. A huit ans, j'avais juste envie de m'amuser."
Vous persévérez et deux ans plus tard, en 2006, vous êtes médaillé olympique à Turin. Qu’avez vous faits comme effort pour passer du championnat du monde juniors aux Jeux Olympiques ?
J’ai toujours concouru en seniors en fait, les championnats du monde juniors étant une course à part. Sinon, j’ai toujours couru en seniors depuis mes 16 ans, mes débuts en compétitions. Au début j’étais cinquantième et au fil des années, je me suis approché des premières places et en 2005, j’ai décroché mon premier podium en Coupe du Monde. Et aujourd’hui, j’ai une demi-douzaine de podiums en Coupe du Monde.
Justement, vous enchaînez et terminez six fois sur un podium de Coupe du Monde sans jamais gagner. Que vous a-t-il manqué pour aller chercher la victoire ?
Que m’a-t-il manqué ? Il m’a manqué un petit peu de rigueur peut-être.
Terminer trois fois vice-champion de France, ça rend fier ou ça énerve ?
Les championnats de France ne sont pas la course de mes rêves, loin de là. J’y vais pour voir les copains, pour passer un bon moment mais ce n’est pas un objectif sportivement.
"Il m'a manqué de la rigueur pour remporter une épreuve de Coupe du Monde."
Que pensez vous de la non-qualification de votre frère pour Sotchi ?
Elle est très énervante. Je me suis énormément remis en question le printemps dernier pour arriver prêt cette année. J’ai fait de gros changement des gros changements dans ma vie qui m’ont côutés beaucoup, j’ai essayé de m’améliorer dans ma vie de tous les jours… J’aurai vraiment aimer vivre cette troisième expérience olympique avec mon frère… Ça s’est joué pour lui à trois fois rien et c’est en même temps ça qui fait que les JO sont si beaux. C’est si dur de se sélectionner que rien que d’y être est une grande victoire. Xavier va être consultant pour France Télévisions. Quand il commentera la course, il sera un peu avec moi.
Quelle est votre sentiment vis à vis du porte drapeau de la délégation française Jason Lamy Chappuis ?
C’est quelqu’un qui a tout gagné, qui impose le respect par son palmarès et par son humilité.
S’il y avait quelques personnes à remercier, qui serait-ce ?
Tout d’abord ma femme parce qu’elle a toujours été dans l’ombre, c’est elle qui paie le vrai prix de ma carrière. Ensuite mon frère pour tout ce qu’il m’a apporté et enfin la SNCF pour tout ce que j’apprends à leurs côtés.
"J'aurai tellement aimer vivre cette troisième expérience olympique avec mon frère..."
Parlons maintenant du métier de snowboarder. Que faites-vous l’été sans compétition ?
Je m’entraîne physiquement.
Passons aux courses. Quel est le niveau de stress en finale quand l’on peut aussi bien terminer premier qu’au pied du podium ?
A votre avis ? [Petits rires]
Avoir quatre concurrents en finale, n’est-ce pas cruel ?
C’est le jeu, si on n’accepte pas cela, on ne fait pas ce sport.
Quand on fait une chute bénigne en course, que fait-on ?
On se dit que tout peut arriver, qu’il faut tout donner jusqu’en bas. La course ne sera finit qu’une fois la ligne d’arrivée franchie.
"Le niveau de médiatisation du skicross est inexistant."
Que pensez vous de votre niveau de médiatisation de votre sport hors JO ?
[Fataliste] Il est inexistant.
Vous êtes mis en avant lors de ces JO du fait de votre médaille. Mais que pensez vous du contraste de médiatisation entre les Jeux Olympiques et les épreuves de Coupe du Monde ?
Les Jeux Olympiques, c’est la concécration. On défend un pays, on défend des valeurs même si elles sont parfois bafouées. Les JO, c’est tous les quatre ans et le problème des manches de Coupe du Monde, c’est qu’en France on a plutôt la culture ski alpin et il ne reste que très peu de place médiatiquement pour les autres sports olympiques. Tout va pour le ski alpin. Mais je n’en veux à personne, il n’y a pas de problèmes.
Craignez vous parfois pour votre sécurité ?
[Froid] Oui… J’ai fait un coma il y a deux semaines, on me disait mort. (ci-dessous, sa photo à l'hôpital)
Votre sport a une bonne réputation chez les jeunes. Que conseilleriez vous à une personne voulant passer du plaisir à la compétition ?
De s’inscrire dans un club.
"Aux Jeux Olympiques, on défend des valeurs."
Quelles sont les qualités à avoir ?
Les qualités à avoir sont l’humilité et la folie.
Et les défauts à éviter ?
Le manque d’humilité.
Vous êtes un athlète SNCF. Que cela signifie t-il concrètement ?
Je suis rentré à la SNCF en 2010 en tant que chargé de communication et j’ai réalisé tout un tas de projet comme entreprendre l’ascension du Mont Blanc. J’ai fait vraiment beaucoup de choses et je m’éclate. J’ai découvert un nouveau métier et ça me permet de gagner en sérénité parce que je sais que je n’ai pas tout sur ma planche. Si jamais ça ne marche plus un jour pour moi, j’aurai un métier à la SNCF.
"Il y a deux semaines, j'ai fait un coma. On me disait mort."
Vous aurez 30 ans en avril, combien de temps comptez-vous poursuivre votre carrière ?
Je ne sais pas, encore quatre ans je pense.
Vous pourrez retrouver Paul Henri à Sotchi le 17 février.
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