Making-off : Contacté par un célèbre réseau social, Elly Lefort a tout de suite accepté notre demande d'interview, quelques jours avant de s'envoler dans le sud de la Russie où il disputera cette semaine l'épreuve de bob à quatre. Loquace, il n'a écarté aucune question et il en ressort une interview passionnante.
Bonjour Elly, pouvez-vous vous présenter ?
Bonjour Elly Lefort, 26 ans, Français et habitant de la ville de Saint-Nazaire donc Nazarin.
Vous débutez par l’athlétisme et figurez même parmi les trois meilleurs bilans Français en juniors avant qu’une rencontre ne bouleverse votre carrière. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Oui c’est ça. Je fais de l’athlétisme depuis l’âge de 12-13 ans. J'ai commencé par le décathlon, une épreuve combinée avant de me spécialiser dans le lancer du disque. Et justement en 2009, lors des championnats de France via mon entraîneur j'ai rencontré le préparateur physique de l'équipe de bobsleigh de Monaco.
"Le bobsleigh est un sport très complet au niveau physique et mental, il est extrême : il y a beaucoup d'adrénaline, de pression et de risques."
Avec Monaco, vous devenez sportif professionnel. Qu’en retenez vous ?
La première année était plutôt la découverte du sport. Je n'en avais jamais entendu parlé, jamais vu le film "Rasta Rockets", j'ai tout découvert d'un coup. De fil en aiguille, j'ai terminé dans l'équipe qui participait à la Coupe du Monde, suis devenu professionnel et en ai fait mon métier. J'ai passé quatre années avec Monaco qui m'ont formées et amenées au plus haut niveau.
Vous quittez Monaco afin de viser Sotchi avec l’équipe de France. Avez-vous eu d’autres propositions ?
En tant que sportif avec Monaco, je disputais les compétitions internationales que ce soit Coupe d'Europe, Coupe du Monde ou Championnats du Monde mais il manquait encore une compétition au palmarès, les Jeux Olympiques. J'en avais parlé avec eux, leur ai expliqué que c'était mon rêve et que j'allais peut-être quitter l'équipe pour rejoindre la France pour réaliser ce rêve. J'avais également une option Slovaque mais c'est vraiment resté la dernière issue.
En France, vous redevenez amateur et vous vivez grâce au système D. Comment faites vous pour suivre financièrement ?
En partant de Monaco pour rejoindre l'équipe de France, je savais que ce serait des sacrifices au niveau financier, que je devrai renoncer à mon salaire de professionnel et entre guillemets revenir à la réalité : devoir travailler, avoir des revenus autres que le sport. Il a fallu trouver un boulot pour subvenir à mes besoins, j'ai travaillé d'avril à octobre et me suis mis au chomage durant la saison.
"Il y a une bonne ambiance au sein du bob à 4 : nous sommes tous sur la même longueur d'onde."
Vous installez sur votre site une collecte de dons. Quel montant espérez vous toucher ?
Je me suis dit que pour subvenir à mes besoins, il allait falloir ruser. Utiliser les médias, créer un site et y insérer une collecte de dons. J'avais visé 3000€, ce qui est toujours possible. Je suis arrivé dans les 640€, il y a toujours du chemin à parcourir sachant qu'en France nous sommes des amateurs et qu'il est plus difficile pour nous de rivaliser avec les autres nations, professionnelles.
Vous insérez même des récompenses pour les plus gros donateurs comme une journée avec l'équipe de France de bobsleigh...
Exactement, il faut savoir que c'est une expérience unique. Il faut avouer que c'est pour le plus gros donateur. Il faut mettre une petite carotte au bout pour les gens qui veulent donner et nous soutenir. Il y a évidemment des plus petites et des plus grosses sommes mais toutes les aides sont les bienvenues, même le soutien moral si les gens ne peuvent pas aider financièrement.
Parlons maintenant de votre vie de pratiquant de bobsleigh. Que trouvez vous de passionnant dans ce sport ?
C'est un sport très complet au niveau physique et mental. C'est un sport de très haut niveau qui permet de voyager, de côtoyer des athlètes internationaux. C'est un sport qui demande beaucoup de temps autant physiquement que mentalement. C'est un sport extrême où il y a beaucoup d'adrénaline, de pression et de risques. En plus de la vitesse, c'est ce qui rend ce sport intéressant.
Le bobsleigh a une mauvaise image auprès du grand public : des hommes de masse importantes courant puis attendant l'arrivée. Comment faites vous pour effacer cette image ?
Cela, c'était vraiment au début du bobsleigh où ils se sont aperçus que plus on était lourd dans un bob, plus on avançait vite. Ils mettaient alors quatre personnes de "bonne corpulence" dans le bob pour aller le plus vite possible. Ils [les grandes instances] se sont rendues compte que ça ne servait pas beaucoup le sport et ont insérés une règle qui est d'avoir un poids maximum pour limiter les excès. Maintenant, l'on retrouve toujours des athlètes ayant un certain poids mais croyez moi, ce n'est que du muscle et ils sont très très rapides.
"J'espère que notre qualification va donner un peu de lumière à ce sport et lui permettre de sortir un peu de l'ombre."
Quel est votre meilleur souvenir depuis le début de votre carrière ?
[Il réflechit] Sûrement ma première médaille avec Monaco qui était une médaille d'or en Coupe d'Amérique en bob à 2 et en bob à 4. C'était vraiment énorme : monter sur le podium, voir se hisser le drapeau, entendre l'hymne national même si ce n'était pas l'hymne Français.
Et un moment à oublier ?
[Il réfléchit de nouveau] Ce sont les périodes de blessures. Ensuite on a peur de se blesser, on a de moins bons résultats... C'est un cercle vicieux, on s'enferme un peu là dedans et ce n'est pas bon pour les performances. Celà fait partie du sport, il faut aussi l'accepter.
Vous êtes le premier athlète de Saint-Nazaire à participer aux Jeux Olympiques d'hiver. Qu'est-ce que celà vous fait ?
C'est évidemment une grande fierté pour moi. Je suis fier d'être Nazairien. Certes je suis fier d'être Français mais je représente aussi ma ville donc j'en suis fier. C'est une bonne fierté car cela me donne envie de représenter au mieux ma ville
Comment se passe l’entente avec vos équipiers du bob à 4 ?
[Convaincu] Très bien ! Nous sommes tous concentrés sur ce qu'on a à faire. Nous sommes descendus tous ensemble plusieurs dizaines de fois lors des compétitions et des entraînements pour apprendre à se connaître, à avoir des automatismes, à descendre ensemble. Tout celà fait partie d'une préparation pour être le plus performant possible. Il y a une bonne ambiance, nous sommes tous sur la même longueur d'onde, nous donnons tout ce que nous avons pour l'équipe et c'est très bien.
"Avoir qualifié le bob aux Jeux Olympiques est la plus belle récompense que l'on puisse avoir."
Quel est votre rôle dans le bobsleigh ?
Je suis pousseur en sachant qu'il n'y a pas que cette partie là (pousser au départ) dans le rôle de pousseur. Il y a également la manutention, il y a une grande partie mécanique comme affuter les patins. C'est une partie que le public ne voit pas mais qui fait partie de notre quotidien. A côté de ceci, il y a le côté sportif où là il y a cinq à six secondes de poussée qui va déterminer toute la descente derrière. Il faut vraiment que l'on soit à 200% sur ces cinq-six secondes.On n'a pas le droit à l'erreur techniquement et physiquement. Puis mon rôle est d'être le plus bas possible dans le bob pour avoir le meilleur aérodynamisme possible, de connaître la piste par coeur évidemment car quand on franchit la ligne d'arrivée, notre rôle est d'ensuite freiner et s'arrêter dans une aire faite pour cela.
Pensez vous que le fait que le bobsleigh ne soit pas télévisuel (changement fréquent de plan) diminue fortement sa médiatisation ?
Là, cela faisait 12 ans que l'on n'avait pas eu de bob à quatre Français aux Jeux Olympiques. J'espère que notre qualification va donner un peu de lumière à ce sport et lui permettre de sortir un peu de l'ombre. Nous sommes un jeune équipage de 23 à 26 ans et vu que cette année est olympique, nous avons eu plus de médaille que les précédentes. Nous avons qualifié le bob aux Jeux Olympiques et c'est la plus belle récompense que l'on puisse avoir.
Qu’envisagez vous pour Sotchi ?
Nous allons aborder cette olympiade comme une première grande expériance aux JO. Nous allons ouvrir grand les yeux et apprendre beaucoup. Ceci n'empêche pas de faire attention à la performance et nous allons essayer de faire partie des douze meilleurs en sachant que le niveau est très relevé et que nos moyens, par rapport à ceux des grandes nations, sont dérisoires, ce serait un très bon résultat.
"Nous visons un top 12 aux JO de Sotchi et pourquoi pas une médaille aux JO 2018 !"
Un dernier souhait pour l’avenir, pour vous ou pour le bobsleigh Français ?
J'espère que la Fédération, que l'équipe de France, va mettre en place un programme pourquoi pas un championnat de France jusqu'à la prochaine Olympiade qui permettrait au bob Français de se développer et d'atteindre les meilleurs performances mondiales possibles. Pourquoi pas une médaille aux prochain Jeux Olympiques à Pyonchang en 2018. Pour cela, il faut avoir un programme en place, une structure qui pour l'instant n'est pas là. Ce serait bien pour ce sport.
En clair, lancer un programme similaire à celui qui aurait été lancé si les JO 2018 avaient été organisés à Annecy ?
Bien sûr ! De toutes façons, cela reste le même objectif que ce soit en France ou ailleurs. Cela restera les Jeux Olympiques et nous défendrons toujours les couleurs de la France.
Merci à Elly Lefort d'avoir accepté notre demande d'interview et d'avoir répondu franchement. Retrouvez le à Sotchi les samedi 22 et dimanche 23 février. Avant celà, vous pouvez l'aider en faisant un don, chaque somme, aussi petite soit elle est acceptée.
+En route pour Sotchi (1/8) : Xavier Bertoni (Ski Freestyle)
+En route pour Sotchi (2/8) : Paul Henri De Le Rue (SnowboardCross)
+En route pour Sotchi (3/8) : Léa Lemare (Saut à Ski)
+En route pour Sotchi (4/8) : Jérémy Baillard (Bobsleigh)
+En route pour Sotchi (6/8) : Robin Duvillard (Ski de Fond)
Photographies : Ouest France, Rodrigue Mériaux et DR