Making off : Robin Duvillard a accepté de répondre à nos questions, juste avant son départ pour Courchevel où il y terminera sa préparation avant de partir pour la Russie. Disponible et très bavard, le fondeur français s'est exprimé pendant presque une heure sur ses ambitions, sa saison et sur le ski de fond mondial.
Bonjour Robin, pour celles et ceux qui ne te connaîtraient pas, pourrais-tu te présenter ?
Je m'appelle Robin Duvillard, j'ai 30 ans, je pratique le ski de fond depuis maintenant 10 ans en Equipe de France. Je possède un contrat militaire de ski de haut niveau et je vais participer à ma seconde olympiade après les J.O de Vancouver en 2010.
Tu es donc un fondeur, peux-tu nous expliquer en quoi consiste ta discipline ?
C'est d'aller le plus vite possible ! Il existe différents types d'épreuves comme le format sprint qui fait 1,5 km jusqu'aux 50 km. Mais dans des compétitions populaires, on peut courir parfois jusqu'à 90 bornes. En ce qui concerne les techniques de ski, et bien il y en a deux : le style classique et le skating qui est plus ma spécialité.
Le ski de fond est une épreuve exigeante et difficile. Comment prépare-t-on une saison ?
La période d'entraînement est plus longue que celle pour les compétitions, généralement on attaque la saison mi-novembre, pour finir vers la mi-mars, ce qui fait 5 mois de compétition. Ensuite je m'arrête début avril pour faire une coupure de 3-4 semaines pour reprendre début mai. Je travaille énormément pendant la période estivale, avec beaucoup d'heures d'entraînement et du travail foncier pour encaisser les séances de haute intensité et ainsi tenir sur une saison complète, car on a un peu près deux compétitions par semaine en moyenne.
Cette saison, tu as réalisé quelques bons résultats, notamment trois tops 10 ? Quelles sont les raisons pour toi de cet enchaînement positif ?
C'est ça, deux fois 5ème et une fois 6ème, ce sont mes meilleures places. Je n'avais jamais fait d'aussi bonnes performances auparavant. Les raisons ? Sans doute beaucoup plus de maturité, j'ai donné une autre direction à ma carrière, je me suis concentré sur mes points forts comme le skating et j'ai plus ciblé mes compétitions. Je préfère faire deux grosses dans le top 10 plutôt que dix courses entre la vingtième et trentième place. Le travail fourni en amont porte ses fruits.
Cela engrange forcément de la confiance à l'approche des J.O ?
Oui exactement, c'est même sûr. J'ai couru cinq fois en skating et j'ai faits des bons résultats, cela démontre ma régularité que de faire de bonnes performances répétées. Je me situe au niveau de ces places-là (voir question précédente). Cela s'est construit au fur et à mesure, ça a pris du temps mais au final, le travail paye. J'aborde ces J.O avec les mêmes motivations qu'une Coupe du Monde, je les prépare au mieux et j'ai confiance en mon travail. J'ai franchi les étapes une par une. Aujourd'hui je suis dans les plus belles années de ma carrière, je veux repousser mes limites.
Comme tu l'as dit, récemment tu as accroché une belle 5ème place sur le prologue du Tour de Ski à Oberhof. Qu'est-ce qu'il t'a manqué selon toi pour réaliser ton premier podium en Coupe du Monde ?
Cela fait plusieurs fois que je fais des résultats, je me rapproche de ce "fameux podium et je suis plus régulier comme je l'ai dit précédemment. Avant, il me manquait surtout de la confiance. A partir du moment où tu fais 5-6ème, tu prends plus de risques, surtout sur un prologue qui est une épreuve courte. C'est de la gestion et il ne me manque pas grand-chose. Je pousse plus aux entraînements, il me manque encore un petit supplément d'âme. Le jour où ça tournera, et bien j'aurai réussi ce que j'ai entrepris.
Sotchi arrive à grands pas, comment s'est déroulé ta préparation jusqu'à maintenant ?
Plutôt très bien. J'ai effectué mon programme à la lettre. La semaine prochaine (N.D.RL cette semaine, l'interview ayant eu lieu la semaine passée) je terminerais ma préparation à Courchevel qui se situe plus haut que Sotchi en matière d'altitude. Ceci pour m'acclimater, car j'enchaîne les nuits à 1000-2000 m et pour régler les derniers détails, car à Sotchi on fignolera surtout. Après le Tour de Ski, j'ai coupé pour me préparer au mieux en faisant du ski, de la musculation selon mon programme bien défini. J'ai essayé également de skier sur des distances variables avec des durées différentes pour augmenter petit à petit mes efforts. Car le but est de me préparer aux 50 km, qui sera la course la plus longue des J.O
Quels vont-être tes objectifs à Sotchi ? Que ça soit individuellement et avec l'Equipe de France ?
Si je dis que je vise une médaille, ça sera une réponse bateau. Mon objectif est surtout de continuer sur ce que j'ai réalisé depuis le début de la saison, et de repousser mes limites sur 50 km. Je ne lâcherais pas jusqu'à la fin de la course. Après si je n'arrive pas à l'accrocher, tant pis. Mais je préfère perdre sur le dernier km, qu'avant. En ce qui concerne la course par équipes, on n'a pas fait de podium, mais nous sentons tout de même que nous sommes proches. Si tout le monde se prépare bien, nous serons des outsiders. Il n'y aura aucune pression sur nous, ce qui peut-être un avantage. Lors des J.O 2010, j'étais sur le bord de piste, en tant que remplaçant. J'ai vécu la course à fond ! C'était excitant. Alors pourquoi ne pas faire quelque chose cette année ? On court pour les autres, c'est fort. Nous avons des ambitions c'est clair, l'équipe s'est reconstruit et nous avons envie de faire un truc sur cette course.
A chaque course de la Coupe du Monde, on a l'impression d'avoir la Norvège et la Russie au-dessus des autres, partages-tu cette impression ?
C'est sûr que c'est réel, on ne peut pas le nier. Ce sont deux grosses nations du ski de fond. Nous sommes un pays plus peuplé, mais nous avons moins de pratiquants que ces pays. Chez eux, c'est un sport national ! Quand tu vas faire des courses là-bas, tu vois 100 000 personnes, ce qui est énorme ! En plus ils ont un réservoir énorme de jeunes talents. Ils te sortiront toujours des champions, ils ont de la quantité et de la qualité. Lors du premier relais cette saison, nous avons terminé 6ème mais devant nous il y avait trois relais norvégiens, ce n'est déjà pas si mal (rires) ! En France, si nous faisons plus de ski de fond, on serait bien meilleur, assurément. Le problème c'est qu'on ne le pratique pas partout, en Norvège c'est tout l'inverse, car il y a de la neige sur l'ensemble du territoire. Quand on voit que des athlètes Norvégiens ou Russes ne vont pas aux J.O alors qu'ils ont d'excellents résultats, cela démontre qu'ils ont des problèmes de riches (rires) !
Que manque-t-il aux fondeurs Français pour plus rivaliser avec eux ?
Il ne manque pas grand-chose. On manque surtout de moyens financiers pour avoir plus de personnes dans notre staff. L'an dernier, ils étaient 5, aujourd'hui ils seront 7 à nous accompagner aux J.O. Alors que par exemple, les Norvégiens seront 20. Ils produisent également, ils essayent plus de fartage. Notre staff ne peut pas tout tester, car sinon ils termineraient à minuit ! Cela se joue sur des détails comme ça.
Revenons à Sotchi, la sécurité a été fortement remise en cause suite aux attentats de Volgograd, es-tu inquiet ?
Je ne suis pas spécialement inquiet, je prends cela calmement. On se demande surtout comment sera la sécurité sur place. C'est sûr qu'elle sera différente de Vancouver, pas vraiment la même chose. L'atmosphère est particulière là-bas, en plus cela dépasse le cadre de la Russie car beaucoup de pays ont acheté les droits de retransmission et ils souhaitent tous un bon déroulement de ces J.O, vu l'argent qui a été mis en jeu, cela se passera bien, j'en suis convaincu. Je ne me baladerais pas avec un gilet pare-balles sur le dos (rires) !
Pour finir sur une note positive, que peut-on te souhaiter pour les Jeux Olympiques et la fin de la saison ?
De continuer sur la même dynamique, la trentaine me réussit ! Je suis sur la bonne direction, que ça soit sur ma gestion, ma vie personnelle. Bien évidemment, la cerise sur le gâteau serait un podium olympique, mais je ne me prends pas la tête avec ça. Car le travail payera forcément. Si ce n'est pas maintenant, ça sera pour la prochaine fois.