« Il en faut peu pour être heureux, vraiment très peu pour être heureux, il faut se satisfaire du nécessaire, un peu d'eau fraîche et de verdure, que nous prodigue la nature, quelques rayons de miel et de soleil… ». Oui, vous ne rêvez pas, ce papier débute bien par la célèbre chanson du « Livre de la Jungle » reprenant l’idéal de vie de Baloo. Interloqué, vous chercherez alors les raisons qui ont provoqué un tel choix. Mais quelle(s) similitude(s) y a-t-il entre le Paris-Saint Germain et ce gai refrain ? Aux premiers abords, disons-le clairement, la réponse ne saute pas aux yeux. Mais lorsque l’on se penche sur le contenu des matchs du Paris-Saint Germain depuis le début de la saison et les réactions qui en découlent, le pourquoi de cette drôle de comparaison paraît un peu plus évident.
Ce Paris-Saint Germain version 2014/2015 gagne et récolte les points à toute berzingue. En d’autres termes, son bilan comptable est bon et tient la comparaison avec celui de l’exercice précédent. En 23 rencontres officielles, Paris l’a emporté à 15 reprises et a partagé 8 fois les points. Il a marqué 43 buts et n’en a encaissé que 16. En championnat, Paris est deuxième (37 points) derrière un très plaisant Olympique de Marseille saveur Marcelo Bielsa. En Ligue des Champions, il est déjà qualifié et tentera de conserver la première place du groupe au Camp Nou, mercredi soir. En clair, si l’on s’en tient aux chiffres, il n’y a aucune raison de douter du club de la capitale. Mais quel est le problème dans ce cas ? Et bien le problème réside dans la manière dont Paris remporte ses matchs.
Cette saison, Paris possède de manière stérile, il ne donne en aucun cas l’impression de vouloir mettre à mal son adversaire et de démontrer toute sa puissance. Quand la saison dernière Paris possédait pour se créer des occasions, il se contente cette année de posséder pour gérer. La possession de balle parisienne n’est plus aussi tranchante que par le passé. Paris n’emballe plus ses rencontres. Paris ne crée plus. Paris ne provoque plus sa réussite par le redoublement de passes, par des combinaisons ou encore par des mouvements. Non, Thiago Motta et ses coéquipiers pratiquent la circulation de la balle et attendent une erreur de l’équipe adverse pour enfin se montrer dangereux. Quand l’année dernière, à cette même période, le club de la capitale enchaînait les succès écrasants (5-0 contre Sochaux et Anderlecht, 4-0 contre Bastia, Lorient et Lyon), il multiplie les victoires par un petit but d’écart (4 en novembre contre Lorient, Nicosie, Metz et Nice) cette saison. Bien sûr, cette description est quelque peu caricaturale mais quand même, quelque chose a changé. Contre Lille, avant que Cavani n’ouvre le score, c’est Lucas qui profite d’une mauvaise relance de Rio Mavuba pour récupérer la balle et entamé sa série de dribbles. Contre Nice, c’est un pénalty qui permet aux Rouges et Bleus de marquer. Dans ce même match, les deux grosses occasions de Cavani et d’Ibrahimovic sont initiées par deux longs ballons (un six-mètre de Sirigu et une transversale de Thiago Silva). L’histoire est la même contre l’Ajax Amsterdam puisque sans les approximations hollandaises les deux buts de Cavani n’existent pas.
Véritable stratège parisien, Thiago Motta le sent. Paris n’est plus aussi dominateur et impressionnant. Il y a peu, il confiait d’ailleurs à ce propos : « Je pense qu’on était meilleurs l’an dernier. La façon dont on avait la possession la saison dernière, c’était vraiment différent. On avait beaucoup le ballon, on savait exactement ce que nous voulions et devions en faire pour mettre nos adversaires en danger. Avec ou sans le ballon, on jouait plus en équipe. On était plus compacts. On devrait tous donner ce petit supplément pour aider nos coéquipiers sur le terrain. Parfois - pas tout le temps, mais parfois - ces efforts manquent à notre jeu cette saison. Avec l’équipe qu’on a, tous les top joueurs à notre disposition, ça peut être vraiment super si chacun se dévoue pour le collectif. On l’a montré par le passé. Mais quand on ne joue pas en équipe, ça peut nous rendre vulnérables ».
Pour expliquer cette transformation de l’animation offensive parisienne, l’Italo-Brésilien met donc d’abord en avant des efforts trop irréguliers. Il est vrai que les hommes de Laurent Blanc ne récupère plus le ballon aussi rapidement qu’ils le faisaient auparavant, la faute à un pressing de moindre qualité. Aussi, Paris n’est pas assez remuant collectivement. C’est-à-dire que pour se procurer des occasions, Paris se repose trop sur les chevauchées fantastiques de Lucas, les exploits du roi Zlatan, sur les caviars de Javier Pastore et Marco Verratti et les approximations adverses. Paris ne fait plus (assez) la différence collectivement. Le mouvement, attention nous ne parlons pas ici d’un déplacement isolé ou inopportun, est systématiquement source d’ennuis pour l’équipe adverse. Cette saison à Paris, les appels sont moins fréquents et les déplacements solitaires. Quand le mouvement est la norme à l’Olympique de Marseille, il se fait trop rare au PSG. Faute de solutions, le jeu parisien s’englue alors au milieu de terrain. Avant le match de Nantes, trois parisiens figuraient dans le classement de ceux qui réussissent le plus de passes par match en Europe : Verratti en deuxième position avec 86,08 passes, Thiago Motta est troisième avec 83,69 passes et Javier Pastore pointe au septième rang avec 68,93 passes. Ainsi, Paris joue moins (bien) vers l’avant.
Ce qui peut paraître perturbant voire inquiétant, c’est que, mise à part Thiago Motta, la plupart des parisiens semblent se contenter de ce faible fond de jeu. A commencer par le coach, Laurent Blanc. « L’important, c’est les 3 points. L’important, c’est de gagner ». Voici la devise parisienne cette année. Paris semble refusait tout débat sur sa maîtrise du match et son animation offensive. Comme s’il se contentait de si peu et ne voyait aucun intérêt à s’améliorer, à progresser. Alors oui, sur le fond les Rouges et Bleus n’ont pas forcément tort. A la fin de la saison, ils seront jugés sur les titres acquis qui dépendent eux exclusivement des victoires obtenues. Mais cette tactique est-elle viable sur le long terme ? Cette tactique est-elle viable sur la scène européenne ? Rien n’est moins sûr. Maîtriser un match, c’est souvent le gagner. Maîtriser un match, c’est se faciliter la tâche. Cette année, Paris ne maîtrise plus. En tout cas plus comme avant. Dans le championnat de France, le Paris-Saint Germain est tellement supérieur techniquement, physiquement, mentalement et individuellement qu’il se peut se permettre d’être suffisant et d’attendre l’approximation adverse. En revanche, en Ligue des Champions l’histoire est différente. Une des raisons de l’élimination parisienne contre Chelsea la saison dernière est son manque de contrôle sur les deux rencontres. A l’aller, Paris n’a réellement joué que 45 minutes. Au retour, il a totalement déjoué, laissant l’opportunité à Chelsea de le mettre toujours un peu plus en difficulté. Souvenons-nous des 4 dernières équipes à avoir atteint la finale de cette compétition : Real Madrid, Atletico Madrid, Bayern Munich et Borussia Dortmund. Aucune n’était aussi fragile que ne l’est le Paris-Saint Germain actuellement. A l’exception de l’Atletico de Simeone qui semble inégalable dans son registre, toutes donnaient l’impression de pouvoir marquer dès qu’elles le souhaitaient, chose qu’aujourd’hui Paris ne sait plus faire. Sans maîtrise (posséder la balle ne signifie pas forcément maîtriser), un beau parcours dans la plus fameuse des compétitions européennes devient donc presque inimaginable.
Dans le monde ultra-concurrentiel et ultra-compétitif dans lequel nous vivons, une entreprise se doit constamment de se remettre en question pour conserver ses parts de marché voire les augmenter. Il lui faut par conséquent penser à renouveler ses collections, à innover pour ne pas se laisser déborder par la concurrence. Dans le foot, l’histoire est la même. Pour durer, l’exigence s’impose. Être exigeant, c'est une concentration et une implication de tous les instants. Regardez Mourinho courir à toute allure vers ses protégés pour leur faire parvenir ses dernières consignes après le but libérateur de Demba Ba. Être exigeant, c'est aussi la recherche systématique du progrès, la capacité à se renouveler, à innover et donc à surprendre. Écoutez Guardiola refusant de parler de « match parfait » après l'écrasante victoire du Bayern sur la Roma (7-1). Écoutez Xabi Alonso parler tactique : "Each team I see (that is successful) has to be comfortable playing with three systems. They need to adapt to each game, depending on the circumstances. It is not about not being loyal to your identity. No, no, no. It is about knowing your strengths and showing your players what you need to do each game to prepare in the right way. In Liverpool, we had a plan for each team. Every game is totally different. Let me give you an example. This season we have played with three defenders, sometimes four, sometimes five. You need to be able to manage at least three or four systems. It has nothing to do with betraying your principles”. Être capable de s’adapter pour mieux contrer, c’est aussi ça l’exigence. Jérôme Boateng confiait également à ce propos : “We change our system every game and we often alter our tactics in the middle of a match to cause our opponents even more confusion. Recently, we’ve often started the match with a 3-man defence and switched to 4-man without our level of performance being affected". Quand les munichois préconisent un changement constant en vue de déstabiliser l’équipe adverse, Paris préfère se satisfaire d’un unique système de jeu qui, bien qu’il ait fait ses preuves l’année dernière, semble quelque peu usé cette saison. Mais aujourd’hui, on l’a bien compris, Paris a choisi de se satisfaire du nécessaire soit les 3 points. Exit le panache, la beauté du football et l’impression de puissance collective qu’il dégageait encore il y a peu, cette année l’efficacité est reine.
Cette saison, le Paris-Saint Germain semble avoir régressé. Quand, un an auparavant, Paris impressionnait l’ensemble de la planète Ligue 1 à chacune de ses sorties, le club de la capitale ne survole plus le championnat. Paris n’a plus la même faculté à être dangereux dès qu’il le souhaite. Paris apparait terriblement fébrile par moments. Paris n’est tout simplement plus la même équipe. A vrai dire, on a parfois l’impression que le PSG est revenu en arrière, lorsque Carlo Ancelotti en était encore l’entraîneur et qu’il gagnait sans jamais convaincre. En fait, c’est comme si cette équipe avait freiné voire stoppé sa marche en avant : « Non, nous ne souhaitons plus nous améliorer. L’important, c’est les 3 trois points, la manière importe peu. Franchement, à quoi ça sert d’être exigeant quand on est le seul club encore invaincu en Europe ? ». Paris semble se reposer sur ses lauriers. Mais bon, dans l’histoire le plus irritant ce n’est peut-être même pas ça. Parce que oui, on le sait tous, mercredi au Camp Nou, Paris nous offrira un match d’un tout autre registre pour conserver la première du groupe.