Avant de mettre une pièce sur qui sera le futur épouvantail chez les pilotes et chez Ferrari, la principale question pour la saison à venir est celle des monoplaces. Comment seront les F1 2014 et leur tout nouveau Power Unit basé sur un V6 turbo et très KERS-dépendantes ? Comme en 2009, des surprises pourront tout à fait éclore. On se souvient du fiasco chez Ferrari et McLaren quand, sur les cendres de Honda F1, Brawn GP réussissait un improbable doublé avec les titres pilote et constructeur qui fait encore grincer des dents au Japon.

Dès lors il faudra attendre les premiers tours de roues et la première séance d’essais libres en Australie pour juger sur pièce de la valeur du duo Alonso-Raïkkönen. Une monoplace ratée et voilà que l’un des affrontements fratricides les plus attendus depuis peut-être Senna et Prost sera totalement annihilé. Au contraire, une Ferrari 2014 au top grâce à l’apport de James Allison pour le châssis et au retour de Rory Byrne, sera l’arme absolue pour que ces deux champions puissent s’exprimer.

Deux épouvantails de la F1

Sur le plan du talent, les deux champions du monde avancent chacun leurs arguments. Alonso est sans doute le plus doué de sa génération quand Kimi lui oppose une combattivité à toute épreuve (lorsque il est concentré à 100% !). Leurs parcours en F1 s’opposent mais au final chacun à atteint son but : être champion du monde.

Si les deux pilotes ont commencé en 2001, Kimi a tout de suite franchi le cap McLaren et s’est battu d’emblée pour le titre en 2003. Fernando a lui patiemment construit Renault autour de son objectif pour finalement cueillir le fruit de son travail en 2005 et 2006. Raïkkönen a été sacré en 2007 en profitant de la rivalité interne chez McLaren entre Hamilton et Alonso et grâce à une deuxième moitié de saison impressionnante. Bref, la valeur des deux reste sensiblement identique.

Comment fonctionnera la Scuderia ?

Avoir deux pilotes de même calibre n’est pas du tout dans les gênes de l’équipe italienne. Historiquement, à chaque fois cela s’est mal terminé. Les deux meilleurs exemples restent la dramatique fin entre Villeneuve et Pironi en 1982 avec le décès de Gilles le Petit Prince à Zolder et l’horrible accident de Didier à Hockenheim, et le clash entre Prost et Mansell au soir d’un fameux GP du Portugal 1990 où Mansell en pole, avait largement tassé Prost dans le mur au départ, lui faisant perdre presque toute chance de titre mondial.

Deux précédents qui auraient pu pousser Ferrari à ne pas associer Alonso et Raïkkönen. Surtout que l’on sait qu’Alonso n’aime pas être taquiné dans son écurie. Comme toujours, la communication de Domenicali sera la même en pareille circonstance : il n’y a pas de pilote n°1. Bizarre dans la bouche de celui qui intimait des ordres à Massa, tout comme Todt avait fait avec Barrichello.

Reste que en acceptant la venue de Kimi, Ferrari prend un vrai risque. Est-ce pour montrer à un Alonso un peu virulent ces derniers temps, qu’il n’est pas tant le maître que cela chez les Rouges ? Est-ce pour donner ce dernier coup de rein qui a manqué à la Scuderia en 2010 et 2012 pour battre l’ennemi RedBull ? Un peu de tout cela sans doute.

Là où Alonso peut faire la différence est le côté relationnel. L’Espagnol est le roi chez Ferrari depuis son arrivée en 2010 … à la place de Kimi. Demandez à Massa ce qu’il pense aujourd’hui du GP d’Allemagne de cette même année, quand la Scuderia lui a passé le message radio resté célèbre : "Fernando est plus rapide que toi …" Un vrai cocon pour Alonso, dans lequel il n’est pas habitué à voir un autre pilote de même stature. C’est ce qui l’a poussé à claquer la porte de McLaren fin 2007 quand un jeune loup nommé Hamilton, et petit protégé de Ron Dennis, lui avait volé la vedette. Alonso veut que tout tourne autour de lui et Kimi ne se laissera pas faire. Ambiance garantie.

Pour nous observateurs extérieurs, cette association est alléchante. On pourrait revivre un duel du calibre de Senna-Prost chez McLaren ou Mansell-Piquet chez Williams. Espérons que Ferrari donnera le même matériel aux deux pilotes, ce qui n’avait pas été forcément le cas chez McLaren du temps des moteurs Honda, Senna ayant un petit avantage sur Prost. Rien que pour ce duel interne aux Rouges, 2014 vaudra le détour, mais n’oublions pas que le vrai épouvantail pilote une voiture autrichienne flanquée d’un taureau rouge et sera détenteur (sauf coup de théâtre) de quatre couronnes mondiales au départ du GP d’Australie 2014. À Kimi et/ou Fernando de l’en déposséder !