Alors que les rallyes dans les années 50 et 60 étaient surtout l’occasion de grandes épreuves de régularité, le caractère de vitesse et sportif commence à s’affirmer à la fin des années 60. Mais c’est surtout l’implication des marques automobiles qui va changer la donne. Les pilotes deviennent de plus en plus des professionnels et engagent de moins en moins leurs propres machines. Les premiers constructeurs à se faire remarquer sont Lancia, Ford, ou encore Porsche qui vont constituer les principales forces, tout comme lors des années 60, mais cette fois de manière officielle.
Le Championnat du Monde des rallyes est donc crée en 1973 avec comme récompense le titre mondial des Constructeurs. Le titre Pilotes n’arrivera qu’en 1977 sous l’appellation Coupe FIA des Pilotes, puis en 1979 sous le nom actuel de Championnat du Monde des Pilotes. Car à cette époque, il n’est pas rare de voir un pilote courir pour plusieurs marques durant une saison. L’introduction du Championnat du Monde va réduire cette propension au changement.
Des voitures de plus en plus spécifiques
Jusqu’aux années 70, les voitures engagées sont des voitures de série préparées pour courir, mais avec des modifications relativement restreintes. L’implication réelle des marques automobiles va créer une course "à l’armement" pour dominer son rival. Lancia va dégainer la furieuse Stratos HF dès l’année 1972 (où elle ne dispute que quelques épreuves, en attendant son homologation qui interviendra en 1974).
C’est la première voiture construite spécifiquement pour la compétition.
Et les résultats arrivent dans la foulée : Lancia décroche les titres constructeurs 1974, 1975 et 1976 grâce notamment au génie Sandro Munari. Face à cela, Alpine-Renault, premier vainqueur du championnat en 1973 avec l’A110, Ford et son Escort, ou Porsche sont dépassés.
L’histoire de Lancia en rallye va pourtant s’interrompre pour un temps, car la maison-mère FIAT veut introduire son propre modèle, la 131 Abarth. Chose faite en 1977, et réussite immédiate avec le titre remporté et conservé en 1978.
Mondialisation et changement d’objectif
Les adversaires des marques italiennes l’ont compris : il va falloir investir pour gagner. Si en 1979, Ford décroche le titre avec son Escort RS1800, FIAT retrouve son bien dès 1980. Entre temps, le titre pilotes a fait son apparition et c’est désormais cette couronne qui va devenir la plus prisée. Les stars de l’époque, emmenées par le grand Walter Röhrl, cherchent l’équipe qui pourra leur permettre de se battre tout au long de l’année sur les terrains du WRC.
Car le championnat traverse désormais la planète : Monaco, Nouvelle-Zélande, Brésil … le rallye mondial, au départ européen, commence à se rendre dans divers pays. Il faudra réellement attendre les années du Groupe B pour voir la caravane WRC se rendre d’Argentine en Côte d’Ivoire en passant par les étendues suédoises. Au milieu de tous ces rallyes, certains gardent une aura particulière.
Des rallyes de légende, des lieux mythiques
Monte-Carlo, Portugal, RAC, Tour de Corse, 1000 Lacs, voilà la colonne vertébrale d’un championnat du monde dans les premières années. Au-delà des épisodes sportifs incroyables que nous offre ce sport, le WRC a contribué à forger le mythe de certains lieux dans le monde.
Le Col du Turini symbolise a lui seul le Monte-Carl’. Arganil Valdevez ou Sintra sont des lieux de pèlerinage pour le chaud public portugais. L’engouement devient énorme pour le rallye, et les constructeurs en profitent pour faire leur promotion au travers de leurs modèles de course.
La folie des années 80
Si il y a bien une période dorée pour l’histoire des rallyes, c’est bien les années 80. Sorti des années 70 et des voitures du Groupe 4 (les plus puissantes), Audi sort en 1981 un OVNI technologique : la Quattro.
Jusque là, toutes les voitures de rallyes étaient des propulsions, qui développaient jusqu’à 280ch pour les plus préparées. Le constructeur allemand arrive avec une 4 roues motrices de 300ch.
Certes lourde, la Germanique va tout de suite montrer les dents lors du Monte-Carlo 1981, où Hannu Mikkola colle une valise sur la neige en début de course aux pilotes des deux motrices (Ragnotti et son R5 Turbo, Thérier et sa Porsche, Fréquelin et sa Talbot Sunbeam …). Si Mikkola doit renoncer, le choc est immédiat. En Suède, Mikkola impose la Quattro et démontre que le futur réside dans cette technologie, mise en avant dans les modèles de série de la marque d’Ingolstadt. La publicité est parfaite !
Si les deux roues motrices font de la résistance jusqu’en 1983 et le dernier titre mondial d’une 2WD (Lancia 037), le Groupe B nouvellement crée (évolution du Groupe 4 si l’on veut) est désormais marqué au fer rouge par les 4 roues motrices. Après Audi, c’est l’escalade.
Peugeot arrive avec son sacré numéro 205 T16 qui s’imposera dès ses premières sorties avec Ari Vatanen à son volant en 1984. 1985 est un cavalier seul pour la Lionne.
Lancia, Audi, Ford, MG sortent alors leurs armes : Delta S4, Quattro Sport S1, RS200, Metro 6R4. 1986 s’annonce comme la plus belle saison jamais vue.
Deux drames et une remise en question
Si le rallye reste un sport dangereux pour les pilotes (Attilio Bettega s’est tué en 1985 en Corse), le public de plus en plus nombreux au bord des routes, devient un problème. Les images des spectateurs portugais s’écartant au dernier moment dans les spéciales de Sintra ou Fafe en témoignent.
Mais jusqu’en 1986, aucun accident grave n’a eu lieu. Après un Monte-Carlo de légende et un rallye de Suède fabuleux, le WRC 1986 fait escale au Portugal. Comme toujours la foule est impressionnante. Les pilotes, qui avaient émis quelques critiques l’année précédente sur la sécurité, s’élancent tout de même.
Sur Ford RS200, Joaquim Santos court son rallye national. Mais il perd le contrôle de sa monture et termine sa course dans le public. Trois personnes décéderont. Les écuries de pointe se retirent du rallye. La prise de conscience débute. Les voitures sont terriblement puissantes et parfois peu évidentes à mener, le public est souvent incontrôlable. Il faut faire quelque chose.
Et c’est le décès de Henri Toivonen et Sergio Cresto en Corse, au volant de leur Lancia Delta S4, qui va accélérer les choses. L’équipe est touchée pour la deuxième année consécutive par un drame (Bettega en 1985). Jean-Marie Balestre, président de la FIA, va interdire le Groupe B dès la fin 1986. Une époque vient de s’achever dans les larmes. Le WRC va évoluer, mais pas toujours dans la bonne direction.
Nouvelles voitures
Après la terrible année 1986, les équipes produisent en urgence de nouvelles voitures (le Groupe A) moins puissantes, moins spectaculaires, mais qui vont au fil des ans devenir de vraies bêtes de course. La sécurité au bord des spéciales est également au centre des préoccupations. La fin des années 80 et le début des années 90 marquent un renouveau et les épopées épiques reprennent le dessus. Cependant, Lancia reste la seule marque vraiment engagée. Peugeot est parti, Audi aussi. Seule Toyota conteste la domination des Delta Intégrale du Martini Racing.
Si Subaru arrive en 1990, Lancia arrête définitivement fin 1992 et Toyota qui domine le milieu des années 90 (titre mondial pour Didier Auriol en 1994) est minée par son exclusion en 1995 pour non-conformité technique (turbo) et décide de se retirer. Les marques automobiles se détournent du rallye. Des pilotes doivent retrouver des sponsors pour courir, car les écuries de pointe ne courent plus … La FIA décide d’agir.
L’ère des World Rally Cars
Ce qui va changer grandement le visage du rallye mondial, c’est le changement de réglementation en 1997. En effet, Toyota, et surtout Lancia, constructeur historique du WRC se sont retirés des rallyes. C’est l’Empire du Soleil Levant qui prend alors le Championnat du Monde sous ses ailes. Subaru, Mitsubishi sont les écuries de pointe, mais il manque une opposition pour bénéficier d’un spectacle de qualité.
La nouvelle réglementation doit permettre aux constructeurs de modifier un modèle de série pour l’adapter aux technologies de base du rallye (transmission intégrale, moteur turbocompressé …). Ce qui n’était pas possible auparavant. Dès lors, on se bouscule pour s’engager en Mondial … ou pour y revenir. Toyota revient en 1997, Peugeot fait son retour en 1999, Ford reste après avoir longtemps fait courir son Escort, remplacée par la Focus. Le WRC revit …
Des parcours tronqués
Comme on l’a vu, la renaissance technologique du rallye, entamée début 1987 et concrétisée en 1997 a ramené les constructeurs vers une discipline qui commençait à s’effriter. Mais il y a un bémol à ajouter à tout cela.
Le format voulu par la FIA, restreint les rallyes autour d’un seul centre névralgique. C’est ainsi que des parcours légendaires (comme l’Ardèche au Monte-Carlo) disparaissent. Cette concentration des parcours (voulue pour réduire également les coûts) va perdurer jusqu’à la fin des années 2000, où les organisateurs et la FIA reviennent à des parcours plus longs. Mais les années 2000-2010 voient de nouveaux problèmes apparaître.
Crise économique des années 2000
Si les années 2000 restent sportivement intéressantes, avec une génération de pilotes fabuleuse (Burns, Loeb, Martin, Grönholm, Solberg, Hirvonen …), les difficultés liées à la crise économique commencent à se faire sentir. De plus en plus de pilotes doivent trouver des partenaires financiers pour pouvoir louer des voitures dans des écuries de pointe. Ford va même se retirer fin 2012. Citroën reste, mais la semi-retraite de Sébastien Loeb pose la question de l’engagement durable de la marque aux Chevrons. Pourtant, le WRC attire toujours autant, public comme pilotes. Ces deniers rêvent de rejoindre au palmarès de vraies légendes.
Ces pilotes qui ont fait la légende
On a vu que les voitures de rallye sont entrées dans la mémoire collective. De nombreux pilotes sont eux, entrés au panthéon du sport automobile mondial. Dans les années 70, les Français sont à l’honneur avec Thérier, Andruet ou Darniche … Ils font face aux Scandinaves Waldegaard, Blomqvist. Sandro Munari est une légende en Italie.
Dans les années 80, Vatanen, Röhrl, Mikkola, Toivonen, Michèle Mouton, Saby, Fréquelin, Ragnotti, Massimo Biasion, Juha Kankkunen ou Timo Salonen sont parmi les meilleurs. Dans les années 90, Carlos Sainz, Didier Auriol, François Delecour, Colin Mc Rae ou Tommi Makinen deviennent des figures.
Enfin les années 2000 ont vu l’éclosion de Sébastien Loeb bien sûr, mais aussi Marcus Grönholm, Mikko Hirvonen, Petter Solberg, Jari-Matti Latvala ou encore Sébastien Ogier.
Le rallye attire toujours autant, tant par les pilotes que par les voitures. Le futur s’annonce sous de bons hospices avec l’arrivée de Volkswagen et le retour de Hyundai, pour pouvoir toujours vivre de grands moments de sport automobile.