Si l’on parle des « Invincibles » à un passionné de football, le premier nom qui viendra en tête sera forcément celui d’Arsenal. Lors de la saison 2003-2004, la bande à Arsène Wenger, Thierry Henry ou encore Tony Adams réalise alors une saison exceptionnelle durant laquelle elle restera invaincue de la 1è à la 38è journée de championnat. Un exploit colossal, surtout dans un football moderne toujours plus concurrentiel. Pourtant, dans l’histoire du football anglais, les Gunners n’ont pas été les premiers a réalisé cette performance fabuleuse. Afin de mieux comprendre pourquoi, il suffit de faire un saut dans le passé, jusqu’à la fin du…XIXè siècle, en 1889.

Invincibles? Oui. Les premiers? Non. (Crédit : Arsenal.com)
Invincibles? Oui. Les premiers? Non. (Crédit : Arsenal.com)

Le passage au professionnalisme en élément déclencheur

On en revient donc aux origines même du football professionnel. A cette époque là, le football est encore un sport relativement jeune, et qui se joue quasi exclusivement au sein du royaume britannique. La machine à rêves (et à fric) que l’on connait aujourd’hui à travers la Premier League n’existe pas encore. Si la Football Association existe depuis 1863 et organise déjà depuis 1872 la FA Cup, la notion de championnat n’existe toujours pas dans les années 1880. Malgré tout, le ballon rond connait un essor rapide, notamment dans la région du Lancashire, à l’ouest du pays. Surfant sur cette nouvelle vague, le président du club de Preston North End, le Major William Sudell entend faire de son équipe l’étendard de ce sport.

Durant la décennie 1880, il va ainsi contribuer grandement à développer son équipe en allant chercher les meilleurs joueurs écossais disponibles, pour les associer à des joueurs locaux de bon niveau. Une stratégie adoptée par d’autres clubs anglais également, mais qui sera vivement critiquée par ceux qui veulent protéger l’amateurisme. En effet, les joueurs écossais étaient débauchés pour venir en Angleterre grâce aux emplois de qualité qui leurs étaient réservés à côté du terrain. Au club de Preston North End, ils avaient ainsi une place de choix au sein de l’usine travaillant le coton dirigée par le président du North End lui-même. Oui, les petits arrangements dans le football, ça ne date pas d’hier !  Après plusieurs années de lutte, et sous la menace d’une scission au sein même de son institution, la Football Association finit par baisser sa garde, et à se professionnaliser en 1885. La machine est alors lancée.

Le nord du pays à l’honneur

L’idée d’un championnat étant déjà dans certaines têtes, la désormais « légalisation » du professionnalisme permet aux dirigeants portant ce projet de réellement se pencher sur la question. La FA Cup étant une compétition à élimination rapide, et ayant souvent un intérêt limité durant les premiers tours (Preston mettra notamment une boîte historique à Hyde United, 26-0, en 1887), la Football Association, accompagnée des équipes fortes de l’époque, se résout donc à créer le championnat d’Angleterre.

A l’origine de cette décision, on retrouve le boss d’Aston Villa, William McGregor, soutenu par les clubs de West Bromwich Albion, Blackburn Rovers, Stoke City, Bolton Wanderers et donc Preston North End. Les discussions se déroulent en mars et aboutissent finalement le 17 avril par la fondation de la Football League, ancêtre de la Premier League actuelle. La première édition se déroule donc quelques mois plus tard, entre Septembre 1888 et Janvier  1889. Pour cela, douze équipes, toutes situées dans la partie nord du pays s’affrontent dans le format que l’on connait actuellement : une confrontation aller et retour entre chaque équipe, pour un total donc de 22 rencontres. L’histoire est alors en marche.

Invincibles sur tous les tableaux

Dernier vainqueur de la FA Cup, quelques mois avant le début de cette nouvelle compétition, Preston North End est le favori évident de cette première mouture. Avec ses internationaux écossais (Jimmy Ross, Georgie Drummond) et anglais (John Goodall, Fred Dewhurst, Robert Holmes) en chefs de file, l’équipe du Lancashire est déjà considérée comme professionnelle ou presque. En évoluant dans un 2-3-5 totalement désuet aujourd’hui, ils vont à contre-courant du 2-2-6 encore en vogue à l’époque, et utilisent déjà un tableau noir pour élaborer des stratégies.

 Du début à la fin de la compétition, l’actuel 6e de Championship (D2 Anglaise) roule sur la compétition, écrasant un à un ses adversaires. Le 5 Janvier 1889, toujours invaincu et avec encore quatre journées à disputer, Preston écrase Notts County pendant qu’Aston Villa, 2e, sombre de son côté à Burnley. North End est donc sacré, mais continue à enchaîner les résultats positifs pour terminer champion sans aucune contestation possible, avec 18 victoires et 4 matchs nuls en 22 rencontres. Meilleure attaque (74 buts) et meilleure défense (15), les potes des deux meilleurs buteurs du championnat (John Goodall et James Ross, respectivement 21 et 18 buts) réalisent une saison invaincue, performance qui devra attendre 115 ans avant d’être reproduite par Arsenal, mais dans une saison à 38 rencontres.

Cependant, Preston parvient également quelques semaines plus tard à décrocher la victoire en FA Cup aux dépends de Wolverhampton, là où les Gunners n’avaient pas réussi à décrocher un autre titre. Suffisant pour tenir encore aujourd’hui la performance la plus impressionnante de l’histoire du football anglais, même s’il faut évidemment relativiser les galaxies qui séparent le football de la fin du XIXe siècle à celui du début du XXe. Cela reste quand même suffisant au club de Preston North End d’être « A jamais les premiers », comme on aime le répéter bien souvent dans une certaine cité phocéenne du sud-est de la France.

 

 

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