« With the eight pick in the two thousand and seventeen NBA draft, the New York Knicks select Frank Ntilikina » C’est ce qui a raisonné dans le Barclays Center de New-York ce 23 mars aux alentours de 2h27 du matin heure française. Il est devenu le Français le plus haut drafté devançant Joakim Noah qui avait été choisi en neuvième position par les Chicago Bulls en 2007. Il rentre dans l’histoire du basket Français à cette occasion.
Il y a des moments dans une vie qui peuvent tout chambouler. La draft en fait partie autant pour les joueurs que pour les franchises. Portland peut en témoigner où comment deux choix de draft auraient pu faire basculer leur histoire. En 1984, en deuxième position ils choisissent Sam Bowie juste devant … la légende Michael Jordan. Rebelote en 2007 où ils choisissent en première position Greg Oden en lieu et place de Kevin Durant. Comme pour le joueur qui peut tomber dans un sacré guêpier, ça peut être le cas si les Sacramento Kings ont jeté leur dévolu sur vous.
Un parcours parfait
Pour Frank Ntilikina, nombreux sont les points de comparaison avec Tony Parker. Tous les deux sont nés en Belgique mais jouent pour la France, jouent le même poste celui de meneur, tous les deux éluent meilleur espoir du championnat de France, ont remporté chacun le championnat d'Europe junior où ils ont été élus MVP du tournoi. Les points communs entre les deux s'arrêtent là et c'est maintenant à Frank de faire son propre bonhomme de chemin dans la ligue et de faire aussi bien que son illustre aîné. À 3 ans, il déménage du plat pays et rejoint Strasbourg où il commence le basket. Il rejoint le pôle espoir Alsace à 13 ans puis le centre de formation de la SIG à 15 ans pour lesquels il joue toujours. Vincent Collet lui a donné sa chance chez les pros avec Strasbourg en avril 2015 à 16 ans. Depuis il n'a plus quitté l'équipe. Cette saison, il cumule une ligne de stats en 18 minutes à 5,2 points, 2,1 rebonds, 1,4 passes décisives, 0,3 contres et 0,8 interceptions. Il pointe à 48,5% au tir, 43,1% à 3 points et 62,1% aux lancers francs. Une saison plus que correcte pour un jeune homme de 18 ans seulement qui fait partie de l'épopée de la SIG jusqu'en finale du championnat de France de Pro A dont l'épilogue se tiendra ce soir avec Frank sur le terrain qui aura fait un aller-retour express pour la draft.
Des qualités indéniables
Ce qui marque chez Frank quand on le voit c'est son physique et ses qualités athlétiques impressionnantes pour un meneur. 1,96 mètre pour 86 kilos même si Isaiah Thomas nous a prouvé qu'il n'y a pas besoin d'être grand pour briller dans la ligue, c'est un beau bébé. Encore frêle, il ne fait pas de doute qu'il va prendre du physique aux States of America. Le point le plus important c'est son envergure, 2m13 soit la plus grande envergure de tous les meneurs présents actuellement dans la ligue. La même que Lebron James au passage. Très pratique pour aller chiper des ballons à James Harden et partir dunker ou bien revenir mettre un énorme block à Kyrie Irving qui s'en aller au panier. Parce que Frank est considéré comme un meneur défensif, un des atouts qui ont séduit Phil Jackson. Il aime le duel, il aime défendre, son défi c'est que son adversaire ne passe pas, qu'il soit en face d'un de ses frères ou de Russell Westbrook. Même si les scouts ont détecté chez lui un léger manque d'agressivité sur lequel il travaille. Il a un sens aigu du collectif pour aider l'équipe avant tout, qui le pousse à ne pas prendre ses responsabilités mais qui en fait un redoutable passeur avec une belle vision jeu. Posé et réfléchi sur le terrain comme dans la vie, il organise le jeu avec brio. Son intelligence de jeu est une de ses qualités. À l'aise au shoot extérieur comme à mi-distance, il est capable de cartons dans les matchs comme à l'Euro U18 en Turquie où il a planté 23 points en demi-finale puis 31 points en finale. Mais il doit encore progresser sur sa régularité et prendre ses responsabilités dans les moments importants des rencontres. On peut ajouter sa qualité de dribble qui lui permet de se défaire facilement de ses adversaires. Enfin, il aime travailler, c'est sa devise pour réussir et est déjà très mature. Comme le révèle son agent Olivier Mazet " Il a le potentiel physique et technique mais surtout il est construit mentalement pour le très haut niveau". Très humble mais tout aussi déterminé à devenir l'un des tous meilleurs à son poste. Une anecdote qui révèle sa personnalité c'est lors d'un rassemblement en marge du all-star game alors que tous les autres s'amusaient à balancer des tirs du milieu de terrain lui répéter ses gammes dribbles, shoot dans la raquette, à mi-distance, lancers francs puis à 3 points. Tout ça devant le regard des scouts séduit par son professionnalisme.
Le futur chouchou du Madison Square Garden ?
Minnesota, New-York, Dallas, Sacramento, Charlotte ou Détroit, l'incertitude était grande sur sa destination. Finalement, c'est la franchise de New-York qui a choisi le Français. Il arrive dans une franchise qui a des allures de ruines dévastés. Le nom de Carmelo Anthony persistant dans les rumeurs de trade, Derrick Rose et Joakim Noah qui ne sont plus que l'ombre de ce qu'ils étaient aux bulls, minés par les blessures. Courtney Lee qui n'a pas eu l'apport escompté. Il n'y a guère que Kristaps Porzingis qui apporte une lueur d'espoir aux fans des Knicks. Des fans pas tendres qui ont l'habitude de chahuter leurs nouveaux joueurs comme lors de la draft 2015 où Porzingis a été hué par toute la salle au moment de l'annonce d'Adam Silver. Mais hier soir, c'est plutôt des applaudissements qu'on a entendus au moment de l'annonce. Frank Ntilikina a clairement un rôle à jouer dès sa première saison en remplaçant de Derrick Rose, quand celui-ci n'est pas blessé. Une franchise en reconstruction qui n'a plus atteint les play-off depuis 2012. Une éternité pour les fans qui attendent un trophée depuis 1973. Phil Jackson, président de la franchise à déclarer à l'issue de la draft que "C’est un projet sur le long terme, où il faudra former le joueur et l’aider à se développer. On espère qu’il pourra nous aider dès cette année". Les New-York Knicks peuvent ressembler à un cadeau empoisonné pour Frank mais pour l'instant c'est la satisfaction de longues années de travail qui prime.
Avant de penser à la NBA, Frank a un travail à terminer avec Strasbourg, ce soir face à Chalon dans le match décisif pour le titre de champion de France de Pro A.