Les fans de NHL connaissent forcément son nom. Chaque année à la remise des récompenses individuelles décernées par la plus grande ligue de hockey sur glace de la planète, celui qui a été élu meilleur gardien de la saison régulière reçoit le fameux trophée Vézina. Une tradition qui perdure depuis 1927, et n’est pas prête de s’arrêter. En revanche, tout le monde ne connaît pas forcément celui à qui le nom a été emprunté : Georges Vézina.

Le gardien du Canadien le veut pour prendre sa place

Rassurez-vous, cela n’a rien d’un blasphème puisque l’on parle là d’un homme qui a vécu à une époque que personne aujourd’hui n’a connu, à l’exception de nos rares et précieux centenaires. Georges Vézina a ainsi vu le jour le 21 janvier 1887 dans l’ancienne ville de Chicoutimi, au Québec. Depuis 2002, Chicoutimi n’est plus qu’un arrondissement de la ville de Saguenay suite à une réorganisation territoriale. Fils de boulanger, il abandonne rapidement les études pour travailler dans le commerce de son père. Pendant son temps libre, il a deux activités principales : le baseball l’été, et le hockey sur glace l’hiver. Dès ses 16 ans, en 1903, il fait le choix d’intégrer le club de hockey sur glace de sa ville, et se positionne naturellement au poste de gardien de but. Nous sommes encore à une époque où le professionnalisme n’existe pas.

Il faut attendre la fin de la décennie pour que les positions changent. Deux ligues bataillent afin de professionnaliser ce sport et c’est finalement en 1909 qu’un accord est trouvé pour la dissolution de l’une d’elles, et la création de l’ANH. La même année, l’équipe du Canadien de Montréal est également mise en place et ce sont sept équipes qui se présentent sur la ligne départ. Mais George Vézina dans tout ça ? Déjà devant le filet de sa petite équipe amateur de Chicoutimi alors que la première saison d’ANH se dispute, son destin change  le 20 février 1910. Le tout jeune club du Canadien vient se frotter à Vézina et ses potes. Résultat ? Une fessée reçue, sur le score de 11-5. Gardien de la franchise de Montréal à l’époque, Joe Cattarinich est bluffé par son vis-à-vis de l’équipe d’en face, et pousse ses dirigeants à le recruter pour…prendre sa place. Hésitant au début à se lancer dans cette aventure, George Vézina finit par accepter.

Le Trophée Vézina

A jamais dans l’histoire du hockey sur glace professionnel

Pour la deuxième mouture de cette jeune compétition professionnelle, le jeune gardien de 23 ans va se distinguer d’emblée. Si le Canadien échoue à la deuxième place derrière le Club de Hockey de Québec en 1911, il est le gardien ayant alloué le moins  de but de la saison.  Bis repetita l’année suivante. Durant les sept saisons d’ANH auxquelles il participe, il est considéré à juste titre comme le meilleur gardien de l’association, bien qu’il faille attendre les saisons 1916 et 1917 pour que ses performances permettent au Canadien de remporter ses deux premiers titres de champion de ligue, et même la première Coupe Stanley de l’histoire du Canadien en 1916 (Plusieurs ligues existant à l’époque, gagner son championnat n’était pas suffisant pour décrocher le Graal).

Le gardien n’ayant pas encore le droit de plonger, de se mettre à genoux, ou tout simplement d’immobiliser la rondelle, sa furtivité et sa façon spectaculaire d’arrêter les tirs en tenant sa crosse à deux mains en font un précurseur qui inspirera de nombreux gardiens les décennies suivantes. Il devient également le premier gardien de l’histoire à effectuer un blanchissage, et à obtenir une mention d’assistance.

Un gladiateur dévoué au Canadien

 La ligue étant encore instable à cette époque, de nouveaux évènements viennent bouleverser le système bancal de l’ANH. Au début de l’année 1917, l’une des équipes de la ligue (le 228e bataillon de Toronto) est débauché afin d’aller combattre durant la Première Guerre Mondiale qui sévit à l’époque. Au mois de février, les dirigeants des autres équipes se réunissent suite à ce désistement forcé. Tous à l’exception du controversé Edward J. Livingstone, propriétaire des Blue Shirts de Toronto, malade ce jour-là. Détesté et controversé en raison de sa tendance à jouer avec le règlement, il va être tout simplement mis à l’écart par les autres propriétaires qui décident de créer une nouvelle ligue, sans l’inclure : la NHL voit le jour. A la fin de cette même année 1917, la première saison est lancée au mois de décembre avec seulement quatre équipes (Canadien de Montréal, Senateurs d’Ottawa, Arenas de Toronto, Wanderers de Montréal).

Pendant huit saisons, Georges Vézina va ainsi défendre les cages du Canadien de Montréal avec une assiduité rare, ne ratant aucun match. Une performance encore plus exceptionnelle quand on sait qu’à l’époque, le gardien de but disposait de protections très légères, et jouait à visage découvert. Il faut attendre la fin des années 1950 et Jacques Plante pour que le port du masque commence à faire son bout de chemin… Durant ces années, il s’impose encore une fois comme le gardien de référence, mais le Canadien de Montréal n’arrive pas à aller au bout. En 1919, il parvient à se qualifier en finale, mais cette saison ne voit aucun vainqueur être célébré en raison de l’épidémie de grippe espagnole qui frappe le monde. C’est finalement en 1924 qu’il connait son heure de gloire en allant décrocher la deuxième Coupe Stanley de la riche histoire de la franchise la plus titrée du hockey nord-américain. Après avoir régné sur la NHL, il blanchit les Tigers de Calgary (2-0), vainqueur de la ligue de WCHL. Oui, à l’époque, la NHL n’est pas encore seule à régner en maître.

Terrassé par la tuberculose après 328 matchs consécutifs

A l’aube de la saison 1925-1926, âgé de 38 ans, George Vézina est de nouveau prêt à entamer une nouvelle saison. Mais le gardien n’est pas au mieux. Il a perdu plus de 18kg et son état de santé se dégrade, mais il n’en parle pas autour de lui. Le 28 novembre 1925, il se présente donc pour la 328è fois consécutivement devant le filet pour affronter les Pirates de Pittsburgh. Fiévreux, il dispute la première période mais son piteux état devient visible en raison du sang qu’il vomit, et d’un évanouissement dont il est victime. Malgré tout, il revient sur la glace pour la suite de la partie, mais s’écroule de nouveau. Pour la première fois, le roc Vézina doit céder sa place. Le lendemain, après des examens médicaux, le verdict tombe et est sans appel : il souffre de la tuberculose à un stade déjà avancé. A une époque où la médecine est encore rudimentaire, sa vie est en danger. Il doit se résoudre à abandonner le hockey sur glace, et à compter ses jours. Quatre mois plus tard, le 27 mars 1926, il finit par rendre l’âme au sein de son Chicoutimi natal, à seulement 39 ans.

Ayant marqué les débuts du hockey sur glace professionnel, un hommage de taille lui est rendu dès la saison suivante. La ligue décide de créer un trophée qui sera remis au gardien possédant la moyenne de buts encaissés la plus faible, et le nomme Trophée Vézina. Suite au décès du mythique propriétaire des Rangers, William M. Jennings en 1981, un trophée à son nom est créé et reprend le principe du Trophée Vézina. Ce dernier n’est cependant pas mis de côté, et est depuis décerné par un vote des propriétaires pour récompenser celui qui selon eux a été le meilleur gardien de la saison. Pour prendre un exemple récent, Thomas Greiss et Robin Lehner ont remporté le Trophée William M. Jennings la saison dernière en allouant le moins début, tandis que le Trophée Vézina a été décerné à Andrei Vassilevski, considéré par les votants comme le meilleur gardien de la saison. Son nom est donc ainsi chaque année lié à la cérémonie la plus attendue par les fans et les joueurs, mais également au Centre George-Vézina de Chicoutimi, antre des Saguenéens (équipe de LHMJQ) depuis 1949. Oui, les légendes ne meurent jamais, même 94 ans après nous avoir quittés.