Nous sommes en 1968, le 5 juin pour être précis. Demi-finale de Coupe du Monde. L'Italie et l'URSS se sont affrontés pendant 120 minutes pour une place en finale mais le score est resté nul et vierge. A ce moment-là, les tirs aux buts n'existent pas et il n'est pas écrit dans les règles que le match sera rejoué. Le sort du Mondial des deux équipes sera joué... à la pièce. Les joueurs rentrent aux vestiaires. Les deux capitaines Giacinto Facchetti et Albert Chesternev se réunissent avec l'arbitre où un ultime pile ou face sera décisif. Kurt Tschenscher, l'arbitre de la rencontre lance la pièce et... elle se révèle être en faveur du capitaine Italien qui sort en courant dans le couloir puis sur la pelouse pour communier sa joie avec le public Napolitain, le Mondial se jouant en Italie cette année-là.

L'Iran et le Nigéria peuvent y passer

Cette scène n'arrivera plus, direz-vous. Certes, depuis il y eu l'introduction des tirs aux buts - qui, quoi qu'on en dise, sont autant une loterie que la pièce - et cette scène ne devrait pas se reproduire avant longtemps. En effet, pour les matchs à élimination directe, cette scène ne se jouera pas de nouveau avant longtemps. Mais depuis toujours, la Coupe du Monde ne débute pas par une phase à élimination directe mais bien par une phase de groupe. Et dans ces phases de groupe, il peut y avoir des égalités. Certes, de nombreuses règles permettent de départager les deux équipes à égalité que voici :

A. Le plus grand nombre de points obtenus dans tous les matches du groupe.
B. La différence de buts dans tous les matches du groupe.
C. Le plus grand nombre de buts marqués dans tous les matches du groupe.
D. Le plus grand nombre de points obtenus dans les matches de groupe entre les équipes à égalité.
E. La différence de buts particulière dans les matches de groupe entre les équipes à égalité.
F. Le plus grand nombre de buts marqués dans les matches de groupe entre les équipes à égalité.

Mais il arrive des cas où les deux équipes sont toujours à égalité après tous ces critères. Ce peut être le cas ce mercredi si l'Argentine bat le Nigéria par un but d'écart et que, dans le même temps, l'Iran bat la Bosnie-Herzégovine par le même score. Pas utopique. Pour l'instant, l'Iran compte 1 point avec un match nul 0-0 contre le Nigéria et une défaite 1-0 face à l'Argentine. Le Nigéria compte 4 points, acquis contre la Bosnie-Herzégovine avec une victoire 1-0 et avec un match nul face à l'Iran. Imaginons que l'Argentine batte le Nigéria 1-0 et que l'Iran batte la Bosnie-Herzégovine sur le même score (celà marque également pour 2-1, 5-4, 7-6...). Les deux équipes seraient à toutes deux à 4 points (A), toutes deux à une différence de but de 0 (B), toutes deux avec un but marqué (C et F), toutes deux avec un point dans leur confrontation directe (D), toutes deux avec aucun but marqué dans leur confrontation directe (E). Ce qui ferait qu'après ces six critères, elles seraient toujours à égalité. Un tirage au sort serait alors organisé. Cruelle fin pour l'une des deux équipes.

Des ajouts de critères au fil du temps

Cette scène du tirage au sort est déjà arrivée en Coupe du Monde. Et pourtant, des critères ont été ajouté au fur et à mesure des éditions. Jusqu'en 1954, un match de barrage opposait les deux équipes à égalité de points. En 1954, un tirage au sort était introduit pour départager les deux premières équipes d'un groupe si elles étaient à égalité de points. En 1958, le goal average fut mis en place. Mais pas dans le sens que nous connaissons mais d'une manière un petit peu particulière soit le nombre de buts marqués divisés par le nombre de buts encaissés. Il vallait mieux marquer trois buts et en encaisser un (différence de buts de 3) que d'en marquer 10 et d'en enciasser 4 (différence de buts de 2,5). C'est en 1970, le système actuel (buts marqués soustrait du nombre de buts encaissés) a été instauré.

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Outre le goal average, d'autres critères ont été ajouté au fur et à mesure du temps. En 1978, ce fut la meilleure attaque entre les deux équipes à égalité qui fut ainsi inscrite comme critère C. Puis ce fut au tour des confrontations directes (D), de la différence de but particulière (buts comptent double) dans ces confrontations directes (E) puis un tout dernier critères encore relatif au nombre de buts marqués (F). Mais il est arrivé par le passé que ces différents critères ne suffisent par et - comme ce pourrait être le cas pour l'Iran et le Nigéria - qu'il faille effectuer un tirage au sort. Il y a 24 ans, pour départager l'Irlande et les Pays-Bas, à égalité parfaite à la seconde place du groupe F. Le tirage n'avait pas la dramaturgie qu'aurait un tel évènement entre l'Iran et le Nigéria car à ce moment-là, vu que le Mondial accueillait 24 équipes, les quatre meilleurs troisièmes étaient qualifiés et les deux équipes en faisaient parti quoiqu'il arrive.

Cependant, ce tirage eu bien lieu. Sepp Blatter, alors directeur exécutif de la FIFA avait convoqué la presse pour éviter toute fraude et avait demandé à une hotesse de compétition, pour ne pas susciter de polémique, de tirer au sort l'une des deux boules. Grand moment de tension à Rome car le Mondial se disputait une nouvelle fois en Italie et au final une deuxième place pour l'Irlande et une troisième place pour les Pays-Bas. Ce tirage eut une grande importante puisque l'Irlande avait dominé en huitièmes la Roumanie aux tirs aux buts et que les Pays-Bas s'étaient incliné face aux futurs vainqueurs Allemands.

Des alternatives plus ou moins crédibles

Plusieurs alternative sont proposé par les opposants à ce cruel tirage au sort. Certains proposent de mettre en avant-dernier critère avant le tirage au sort le classement du fair-play, pour privilégier les équipes non-violentes. Par exemple, un carton jaune équivaudrait à un point et un carton rouge à trois points et l'équipe qui aurait le moins de points serait qualifiée. D'autres proposent d'utiliser le classement FIFA moyen des cinq dernières années, pour privilégier la régularité. D'autres encore pensent à faire une séance de penalty à l'issue du dernier match si les deux équipes se rencontrent.

D'autres hypothèses plus ou moins farfelues sortent du lot comme la réhabilitation d'un match de barrage qui serait certes moins cruelle qu'un tirage au sort mais qui fatiguerait l'équipe qualifié ; utiliser la moyenne d'âge des équipes comme c'est le cas lors des élections municipales ; utliser les côtes de qualification des deux équipes ou même réaliser en mondiovision une séance de coup-franc du rond central sans gardien à distance... La FIFA a le choix mais celui-ci ne se fera sûrement seulement s'il y en a un nouveau cette année, entre l'Iran et le Nigéria. Réponse vers 20 heures, heure Française...