Stade Gerland, Lyon. Demi-finale de la coupe des Confédérations opposant le Cameroun, fraichement sacré champion d’Afrique 2002 et la Colombie, vainqueur de la Copa América 2001. Nous sommes à la 72e minute de ce match que les partenaires de Samuel Eto’o menaient 1-0 grâce à un but de Pius N’Diefi à la 9e minute. Alors que le jeu se développe de l’autre côté du terrain, Marc Vivien Foé, brillant milieu défensif évoluant à Manchester City, s’écroule en plein rond central. Tout le monde croit à une blessure ou une crampe. Scène invraisemblable, son adversaire colombien, le défenseur Jairo Patino, lui tend la main pour le relever pensant qu’il n’y avait rien de grave. Seulement durant ces précieuses secondes, le numéro 17 du Cameroun était tout simplement en train de mourir. C’est lorsqu’il a vu ses yeux convulser et son corps inerte qu’il a vite fait signe aux secours de se précipiter sur la pelouse pour prodiguer les premiers soins. Là aussi, de longues secondes de perdues par des équipes médicales pas exemptes de tout reproches quand on sait que ce sont les quatre premières minutes qui sont les plus déterminantes lors d’un accident cardiaque. Le remplacement interviendra trois minutes après l’accident ! Autant dire une éternité.
Le match alors retransmis par Eurosport, fut commenté par Christophe Jammot et Guy Roux. Le consultant craignait le pire et semblait déjà connaître l’issue fatale. Il tenait même à ce que le match soit arrêté pour que l’on s’occupe du joueur le plus rapidement possible. Il reprendra dans la confusion la plus extrême dans une opposition où l’enjeu ne se situait plus dans le stade, mais à quelques mètres de là dans l’ambulance où la vie de Marc-Vivien se jouait.
A la fin du match, qui a débuté à 18h, la plupart des téléspectateurs se rueront sur les chaines d’infos et les JT de 20h. Et l’annonce de PPDA sur TF1 glacera le sang de milliers et millions de fans de football, et pas que. « Décès de Marc Vivien Foé ». Il mourut 30 minutes après la fin du match, après un vain massage cardiaque et bouche à bouche durant près de 45 minutes. Sa mort sera prononcée dans un hôpital de Lyon et le joueur sera enterré à Yaoundé.
Le soir même, la France jouait sa demi-finale contre la Turquie, beaucoup de joueurs français ont connu Marc Vivien Foé du temps où il jouait à Lyon (Coupet versera des larmes durant l’hymne, tandis que Jacques Santini s’effondrera après le match). Triste fin d’un tournoi dont l’aspect footballistique fût relégué au dernier degré.
Tragique destin d’un joueur en pleine force de l’âge (28 ans) et au sommet de sa carrière (il venait de disputer la coupe du monde 2002, remporter la CAN 2002 et le permier championnat de France de l’Olympique Lyonnais la même année). Son décès aura au moins permis de soulever beaucoup d’interrogations dans le football moderne, notamment sur les cadences trop élevées des saisons et sur les examens à faire sur les joueurs. L’autopsie a confirmé que la mort du Lion indomptable est consécutive à un arrêt cardiaque déterminé par une malformation congénitale qui aurait pu être détectée avec des examens approfondis.
Cette date aura ouvert une page sombre et méconnue du football : nous avons connu les tragédies liées aux supporters (drame du Heysel, Hillsborough, ou encore Furiani) mais pas celle des accidents cardiaques en plein match touchant les acteurs durant l’effort. Car le Camerounais sera le premier d’une longue liste au cours des années 2000 : Miklos Feher connaitra la même issue avec Benfica en 2003, puis Puerta en 2007 avec Séville lors de la première journée de Liga. Nous pourrions ajouter O’Donnell avec Motherwell et très récemment Piermario Morosini en Série B. La seule belle histoire récente restera celle de Fabrice Muamba, alors joueur de Bolton qui « ressuscitera» après avoir été en situation d’arrêt cardiaque durant plus d’une heure. Un miracle.
Les hommages se succèderont naturellement dans le monde du football à commencer lors de la finale au Stade De France qui n’en avait pas les habits, où tous les joueurs pendant l’échauffement portaient le numéro 17. Sans oublier l’immense portrait du joueur déployé à la fin du match.
Toutefois, après la longue séquence d’émotion et de tristesse succède celle des interrogations. Il y a-t-il des fautifs à tout cela ? A commencer par l’arbitre Markus Merk qui a mis du temps avant d’interrompre le jeu, sans parler des différentes équipes de secours, assises à côté des bancs de touches et qui ont mis du temps avant de prendre conscience de la gravité de la situation.
Autre instance à incriminer : la FIFA, qui sous ses airs de manitou au grand cœur du football mondial, laissera une image pitoyable dans cette affaire.
En effet, Jean Michel Aulas avait proposé de rebaptiser la compétition « Coupe Marc Vivien Foé », ce qui en ces temps de « Coupe des Confédérations 2013 », n’a jamais eu lieu. De plus, le joueur laissa derrière lui une femme et trois enfants. Une famille qui naturellement dépendait des émoluments du joueur qui au cœur de sa carrière, devait mener une vie financièrement saine. Mais personne n’aurait pu prévoir ce qui allait se passer. Avec pour conséquence une absence de sécurité financière pour ses proches pour un joueur qui aurait encore pu évoluer une dizaine d’années au plus haut niveau. Derrière les beaux discours de Sepp Blatter se cache un cruel manque d’humanité chez les plus hautes instances de ce sport. C’est après un long bras de fer que Marie Louise Foé obtiendra une indemnisation de la FIFA, de quelques milliers d’euros. Dérisoire au vu du préjudice causé.
Le gouvernement camerounais n’a lui pas tenu ses promesses même si aujourd’hui nous ne savons plus ce qu’il en est. Il avait promis de finir le financement du centre d’entrainement que le joueur avait pour vocation d’établir dans son Cameroun natal.
Son club de l’époque Manchester City fera contre mauvaise fortune bon cœur. En plus d’un soutien moral et financier (le club a acheté une maison en Angleterre à la famille Foé), il a pris la décision de retirer le numéro 23 porté par le joueur.
Dix ans donc d’un triste jour, mais avons-nous retenu les leçons de cette tragédie ? Saisons à plus de 60 matchs, transferts astronomiques invitant à la surperformance et à la pression démesurée, des séries de 3 matchs en une semaine au plus haut niveau… ne faudrait-il pas revoir le football d’aujourd’hui dans toute son architecture ? Heureusement qu’aujourd’hui les contrôles ont évolué si bien que des joueurs ont vu leur anomalie détectée à temps (Johan Radet, Steve Savidan, Khalilou Fadiga). Toutefois, avec un football dont les matchs au plus haut niveau se jouent à un rythme irrespirable, il faut se demander si la machine humaine est à même de supporter cette activité.
Triste hasard ou ironie du sort : la demi-finale de l’actuelle Coupe des Confédérations se jouera ce soir à Belo Horizonte et opposera le Brésil à l’Uruguay. Nous pouvons espérer un hommage unanime du public brésilien et de l’organisation du tournoi à la hauteur du choc suscité par cette disparition. De là-haut, l’éternel numéro 17 camerounais aura surement une oreille et un œil tournés vers l’Amérique du Sud, théâtre de l’honneur de sa mémoire.
Car un lion ne meurt jamais, il dort.