Vous êtes avocat des anciennes associations d'ultras du PSG, dissoutes à la suite du plan Leproux en 2010, pourquoi avez-vous choisi de mener ce combat ?
Je défends certains supporters parisiens. Mais leurs profils sont vraiment divers. Certains appartenaient effectivement aux anciennes associations du Parc des Princes, mais beaucoup n’étaient pas cartés ou n’étaient tout simplement pas abonnés dans les années 2000. Après les années dorées du PSG pendant mon enfance, c’est la période sportive la plus terme de l’histoire du club qui m’a accompagné durant mes années au Parc des Princes. Mon principal plaisir était souvent l’ambiance exceptionnelle pendant les matchs. Ce sentiment que le Parc des Princes respirait, vivait, communiait bien au-delà des performances sur le terrain. Aujourd’hui, la passion du public s’exprime différemment. On n’a plus cette puissance sonore, cet engagement hebdomadaire des associations de supporters, ces dizaines d’heures à réaliser des tifos qui ont fait rêver l’Europe. Pire, c’est au mépris des libertés individuelles et de l’Etat de droit que certains supporters sont honteusement interdits de Parc des Princes. Par amour pour cette ambiance qui est une partie de l’histoire du club et parce que je me sens redevable envers ceux qui savaient faire d’une défaite 0-4 contre Auxerre 90 minutes d’engouement et de passion, j’ai choisi de mettre mes compétences au service de ceux qui en expriment le besoin.
Le plan Leproux avait pour but d'éradiquer la violence au Parc des Princes. Y'avait t'il une solution plus adaptée selon vous ?
Le problème du Parc des Princes, c’est que supporters, direction et pouvoirs publics ont laissé des questions politiques s’immiscer dans la vie des tribunes. Parce que le sujet était très complexe et parce que certains ont fait montre d’incompétence ou de lâcheté, la situation n’a cessé de pourrir jusqu’à ce que l’inacceptable arrive. Il y avait évidemment d’autres solutions pendant toutes ces années. Mais en 2010, après la mort d’un supporter, il fallait réagir fermement et soudainement. Le Plan Leproux s’imposait. Le problème c’est que ce Plan a désigné les supporters comme seuls responsables. Les pouvoirs publics et le club se sont dispensés de toute autocritique alors que leur responsabilité était au moins autant engagée. Ce Plan, qui devait être provisoire, est devenu permanent. Il a été détourné de son objet en devenant un instrument d’épuration commerciale. Depuis quatre ans, beaucoup de supporters ont démontré leur sens des responsabilités. Je pense notamment à l’ADAJIS qui ne cesse de se poser en interlocutrice, prête à un dialogue constructif. Force de propositions, cette association ne souhaite pas remettre en question le Plan Leproux mais convenir de ses modalités, introduire de la souplesse et trouver des compromis. Pour avoir pu lire une partie de ses propositions, je pense, en tant que supporter et tant qu’avocat, qu’il faut l’écouter. Elle a une vue et des compétences très particulières qui ne pourraient que servir les clubs et les pouvoirs publics pour optimiser tant l’ambiance que la sécurité.
A ce jour combien d'affaires opposent le PSG à ses supporters ?
Il est complexe d’évoquer des dossiers qui sont couverts par le secret professionnel. Il est aussi malaisé de parler d’opposition car il est avant tout question de faire appliquer des droits et non de confronter des rivaux. Les supporters que je défends n’agissent pas pour s’opposer au PSG mais bien pour faire valoir leurs droits. Parmi ces droits, on compte les interdictions du refus de vente, du refus d’accès ou du fichage illégal. Lorsque la CNIL (Commission nationale informatique et libertés) a perquisitionné les locaux du PSG, elle a constaté que cela concernait plus de 2.000 supporters. L’inconvénient, c’est qu’à ce jour aucun des supporters concernés n’a été informé de sa présence sur la liste. Probablement car, si chacun d’eux était informé, les procédures se multiplieraient.
Savez-vous pourquoi le PSG régule autant le déplacement de ses supporters ?
Seuls les pouvoirs publics ont la compétence pour interdire les déplacements des supporters. En revanche, il est manifeste que le PSG s’accommode aisément de toutes les mesures restreignant ou interdisant les déplacements de ses supporters. Je ne sais pas ce qui motive toutes ces décisions, mais cela ressemble à de la démission dans l’encadrement des déplacements de supporters. C’est inquiétant pour les libertés individuelles, pour la dimension populaire du football mais aussi pour l’ordre public à quelques mois de l’Euro 2016.
Quelle est la ligne de défense des avocats du PSG pour justifier ces décisions?
Les avocats du PSG développent avant tout des arguments juridiques. L’image des audiences au tribunal que l’on voit dans les séries TV n’a rien à voir avec la réalité. L’essentiel de la procédure se réalise par l’échange de conclusions écrites pendant les mois précédant les audiences. Celles-ci sont souvent très brèves et consistent à appuyer un ou deux points clé des argumentaires. La défense du PSG se résume souvent à rappeler qu’il y a eu un mort après un match, que c’est de la faute exclusive des supporters et qu’il vaut mieux restreindre les libertés individuelles de certains pour assurer la sécurité des autres.
Espérez-vous un jour revoir des ultras dans les Kops Boulogne et Auteuil ?
Je suis d’une nature optimiste. J’en suis convaincu. Plus je côtoie mes clients, plus j’en suis convaincu. Loin des clichés que je peux lire ici ou là, je rencontre des gens responsables, intelligents, instruits et calmes. Ils font montre de beaucoup de recul et de mesure.
Les ultras du kop Boulogne se reformeront-ils un jour ? via les-transferts.com
Seriez vous-prêt à défendre des groupes d'ultras de club autre que ceux du PSG ?
Je ne défends pas tel ou tel supporter parce qu’il est Ultra ou parce qu’il est Parisien. En réalité, la plupart de mes clients n’ont jamais été Ultra. Et il m’arrive aussi d’être sollicité par des supporters d’autres clubs. Tant que cela entre dans mes compétences et que j’ai la conviction de ne pas défendre un individu susceptible de troubler l’ordre public, je me rends disponible.