L'apparition des nouvelles technologies dans le monde du ballon rond remettrait-il en question les bonnes vieilles méthodes d'entraîneurs "à l'ancienne"? Cette question alimente nombre de querelles et fournit quelques anecdotes amusantes. Les médias anglais ont un temps raillé les managers utilisant des outils numériques jusqu'à se rendre compte de leur efficacité. Aujourd'hui les détracteurs de l'analyse de performance informatisée sont une minorité. Cela dit, ils peuvent compter dans leurs rangs une légende du football, Johann Cruyff. Lors d'une querelle opposant Louis Van Gaal au plus célèbre des numéros 14 sur le protocole de recrutement dans les catégories jeunes de l'Ajax Amsterdam, ce dernier a lancé cette phrase restée célèbre (en neerlandais dans le texte) « A 15 ans je n'aurai pas eu la force de frapper un corner, j'étais lent et faible, et tes ordinateurs n'auraient pu déceler ce qui faisait alors mon talent [à savoir], ma vision du jeu et ma technique ».
Les logiciels de traitement des statistiques sont apparus dès les années 80 dans la plupart des champs d'activité. Le monde du sport longtemps campé par les partisans du flair, ne s'est mis à l'étude de données que tardivement. Il faut voir en ce sens la sabermétrie dans le base-ball illustrée dans le film Le Stratège (Moneyball dans sa version originale) réalisé par Bennett Miller. Le virus de la stat a finalement attaqué la planète foot au Royaume-Uni dans les années 90, depuis lors, il se répend notamment sur le continent européen. Le marché des analyses de performances dites « objectives » est né après la prise de conscience du potentiel de l'analytique dans trois niveaux : la mesure de la performance au service du staff technique et des médias, le calcul des cotes pour les paris sportifs, et les prospections de public dans le cadre d'un marketing sportif assumé.
Deux poids lourds sur un marché prometteur
Amisco est une petite entreprise créée par un français il y a plus de 10 ans. C'est une société pionnière dans le traçage numérique des joueurs grâce à un dispositif optique placé au dessus du terrain. Dans une vidéo postée sur Youtube en 2008 ( mieux vaut être hispanophone), on voit le coach espagnol Rafael Benitez, alors à Liverpool travailler à l'aide des enregistrements réalisés par la société. Une entreprise implantée au Royaume-Uni fusionne en 2011 pour former Amisco-Prozone. Face à ce géant de la data sportive on trouve Opta, qui réalise plus ou moins les mêmes prestations que sa rivale. Des superviseurs suivent chaque rencontre et pointent sur des écrans les moindres mouvements du ballon. Cette dernière entreprise a été acquise pour 65 millions d'euros en juillet 2013 par le groupe Perform, côté en bourse, et ayant bâti un business fleurissant avec le rachat des droits de diffusion d'événements sportifs majeurs sur internet et par la vente de vidéos aux sites de paris ainsi qu'aux médias.
Ces deux géants ont flairés l'avènement du Big Data, l'exploitation de méga-données comme levier de croissance. C'est un secteur qui paye et ce n'est qu'un début. En France on parle d'une croissance de 2% chaque année sur ce marché. Les résultats récents des entreprises étudiées corroborent cette vigueur. Opta a vu son chiffre d'affaire passer de 10 à 25 millions d'euros de la période 2012-2013 à 2013-2014. Les prestations réalisée par Prozone en 2013, lui ont rapporté environ 13 millions d’euros. Ils comptent parmi leurs clients les championnats européens, quelques fédérations, des clubs prestigieux, des sites de paris sportifs et les principaux médias internationaux sur tout supports.
Mais derrière ces fers de lance de cette économie, des start-up sont bien décidées à avoir leur part du gâteau. iDalgo collabore avec le Monde, France Télévision, la RTBF mais aussi avec plus de 90 médias . Match Analysis, présent sur le continent Américain fournit le NY Times et Fox Soccer Channel. Netco Sports est spécialisée dans le segment des applications mobiles ; elle en compte plus de 400 dans son portefeuille notamment le Vendée Globe ou le Paris-Dakar. Les poursuivants ont obtenu des revenus prometteurs ces dernières années compris entre 3 et 0,5 millions d'euros.
La poursuite de la transition numérique et son flux ininterrompu de nouveaux demandeurs, augure pour les acteurs décrits un futur radieux. Avec un football de plus en plus pensé à l'aide d'ordinateurs et autres outils numériques, les amoureux du beau jeu y trouveront-ils leur compte? Réponse dans un futur plus proche que ce que l'on pourrait croire.
Florent BASCOUL & Vladimir CRESCENZO