L'âge du Christ n'aura pas était celui de la résurrection pour Djibril Cissé. A 33 ans, l'ancien international français va probablement raccrocher les crampons à l'issue de la saison. Une idée qu'il a déjà évoqué en octobre dernier lors d'une interview diffusée sur l'Équipe 21 : « Sur une saison, je peux serrer les dents mais sur deux, voire trois, ce n'est pas jouable ». Un tweet publié vendredi par le joueur vient confirmer cette hypothèse. Sous une photo façon selfie, casque posé sur la tête, Djib fait partager son « départ pour Paris pour la dernière finale de ma carrière ».
Cette finale de Coupe de la Ligue, disputée samedi face au Paris-Saint-Germain, apparaît pour lui comme l'ultime occasion de décrocher le graal. Le douzième trophée, entre les distinctions personnelles et les coupes raflées tout au long de sa carrière. Une façon de conclure en apothéose un parcours qui a rapidement pris des allures de chemin de croix. Loin de la trajectoire rectiligne de ses frappes, ses dix-huit années passées en tant que professionnel ont été marquées par des instants de gloire autant que par la difficulté, à l'image de cette blessure à la hanche qui le fait souffrir depuis l'an dernier et a fini par annihiler tout espoir de continuer à jouer au football. « Il y a une sorte de frottement au niveau des articulations et cela le fait extrêmement souffrir. Il n’y a pas de cause réelle à cette blessure. Difficile donc de le soigner surtout que par moment il ne ressent aucune douleur. Mais quand il a mal, il ne peut quasiment plus marcher», explique l’un des kinés du Sporting Club de Bastia.
«Il n’y en a plus pour longtemps»
Un mal qui le tient éloigné des terrains pendant cinq mois. Revenu sur les près en octobre 2014, Djibril Cissé s'offre un retour radieux. Après une entrée contre l'AS Monaco en championnat, il remplace Hervin Ongenda lors du 16e de finale de la Coupe de la Ligue contre l'AJ Auxerre. L'ancien buteur de la maison bourguignonne claque un doublé salvateur. « Je suis formaté pour marquer des buts et cette sensation me manquait terriblement », savoure-t-il au coup de sifflet final. Djib fait de nouveau trembler les filets face au Stade Rennais en quart de finale de la compétition.
Des éclaircies trop rares dans un ciel qui s'assombrit chaque jour un peu plus. «Vingt-quatre heures sur vingt-quatre, j'ai des douleurs. Mais au moins, j’arrive à sortir et à m’entraîner. Ce sont des douleurs aux adducteurs et aux fessiers. C’est un problème à la hanche qui est assez compliqué. Les spécialistes que j’ai vu ont été unanimes : «Il n’y en a plus pour longtemps». En gros, c’est : «Tu sers les dents et quand tu ne peux plus, tu ne peux plus », a confié le buteur sur l'Équipe 21. Des problèmes physiques qui le mine quelques mois seulement après son arrivée sur l'île de beauté. Blessé, le natif d'Arles, doit se contenter de bout de matchs. Une situation qui le fait particulièrement souffrir comme en témoigne son coéquipier François Modesto : « Ce fut une période vraiment horrible pour lui. Il voulait jouer tous les matches mais son corps l'en empêchait. Je me souviens de l'avant-dernière journée, la saison passée, à Montpellier. Il était en pleurs dans le vestiaire car il ne pouvait pas jouer à cause des douleurs ». Djibril Cissé aurait songer à changer d'air. Des contacts avec le Nîmes Olympique, un club où il a déjà évolué entre 1997 et 1998, sont notamment évoqués dans les médias.
La der de Djib
Finalement, l'aventure corse se poursuit au prix de quelques efforts. « On a trouvé un accord avec lui qui fait que financièrement, c'est tout simplement le plus petit salaire du club », résumait Pierre-Marie Geronimi, son président, sur le site du club. « C'est difficile pour lui car il est resté longtemps arrêté. On va voir son évolution et dans quelques semaines, on fera le point sur son état physique. On a beaucoup parlé de son cas et je tiens à remercier Djibril. S'il n'avait pas fait certains efforts financiers, nous n'aurions pas pu récupérer Brandao », précise-t-il une fois l'accord entériné. Mais pourquoi tant de sacrifices ? D'une part pour le plaisir de jouer. « Vous pouvez demander au staff médical : il y avait peu de chances de me revoir cette saison », confesse-t-il au moment de son retour en octobre. « Dans ma tête, je n’étais pas prêt à arrêter. J’ai décidé de serrer les dents et de reprendre, d’aider le club le plus possible. Je suis vraiment décidé à tout donner. Quitte à avoir mal de temps en temps. » D'autre part pour continuer à croire en ses rêves : marquer encore quatre buts pour atteindre la barre symbolique des 100 buts en Ligue 1. Un objectif qu'il s'est fixé dès son arrivée en janvier 2014. «On va être honnête, passer la barre des 100 buts fait partie des objectifs personnels. Je me rappelle, étant jeune, je voyais mon frère Abou qui a joué en D1, mon rêve était de marquer un but. Alors pouvoir en marquer 100, j’en serais fier et j’ai hâte de pouvoir y arriver ».
Buteur providentiel
Peut-il y arriver ? Verdict en fin de saison. Même si son aventure avec Bastia n'a pas tourné à la parfaite idylle et ne lui permet pas de remplir son objectif, elle a permis à l'ancien meilleur buteur du championnat de revenir sur la terre de ses premiers exploits, la France.
Lancé dans le grand bain lors de la saison 1998 / 1999 à Auxerre par Guy Roux, Djibril Cissé se fait un nom petit à petit. Huit buts en vingt-cinq matchs en 2000 / 2001 puis vingt-deux la saison suivante qui le consacrent une première fois en tant que meilleur canonnier de Ligue 1. Il découvre l'équipe de France dans la foulée. Le 18 mai 2002, il remplace David Trézéguet à la mi-temps contre la Belgique. La même année, il participe à la Coupe du Monde mais les Bleus se font sortir dès le premier tour. Le début d'une romance inégale avec le coq tricolore. Le 7 septembre qui suit, il inscrit son premier but en sélection face à Chypre dans un match qualificatif pour les éliminatoires de l'Euro 2004. En 2003, après avoir remporté la Coupe de France avec Auxerre contre le Paris-Saint-Germain, il fait parti de la campagne victorieuse de l'équipe de France en Coupe des Confédérations. Une époque faste pour le jeune joueur qui décroche de nouveau le trophée de meilleur buteur du championnat en 2004. Mais aussi le début des ennuis.
Rendez-vous manqué avec les Bleus
Exclu lors d'un match contre le Portugal avec les espoirs, il rate l'avion pour le championnat d'Europe qui se joue justement sur la péninsule ibérique. C'est en Angleterre que le joueur essaie de se consoler. Pendant l'été, il s'engage avec Liverpool. Le début d'une nouvelle vie marquée par un apprentissage difficile. Buteur lors de la première journée de championnat il ne parvient pas à enchaîner. Surtout, il est victime d'une double fracture tibia-péroné contre Blackburn. En son absence, ses coéquipiers se hissent jusqu'en finale de la Ligue des Champions. Dans un match d'anthologie contre l'AC Milan, la décision se fait au tir au but. Djibril Cissé entré en cours de jeu ne tremble pas. Les Reds s'imposent. Il remporte ensuite la Supercoupe d'Europe face au CSKA Moscou en signant un doublé. Malgré des prestations en demie-teinte, il retrouve l'équipe de France et participe activement à la participation des Bleus à la Coupe du Monde 2006 en terminant meilleur buteur tricolore des matchs qualificatifs. Mais il se voit priver de la compétition suite à une nouvelle fracture tibia-péroné subit face à la Chine en match de préparation. Le moment choisi par le joueur pour retourner en France. Direction Marseille où il est prêté une saison. Longtemps indisponible, il fait son retour sur les pelouses hexagonales le 9 décembre contre l'AS Monaco. Ses huit buts en championnat et ses bonnes prestations en coupes suffisent à convaincre ses dirigeants de lever l'option d'achat. L'OM se qualifie pour la Ligue des Champions la saison suivante et Djibril Cissé espère disputer l'Euro 2008. Seulement, il se fait doubler par Bafétimbi Gomis dans le sprint final.
La Corse attend son trophée
À partir de ce moment, Djibril Cissé va multiplier les expériences. Sunderland d'abord, puis le Panathinaikos où il se refait une santé. Meilleur buteur du championnat deux années de suite, il gagne le droit de rejouer une Coupe du Monde. Mais les évènements tournent au mélodrame. Anelka est exclu du groupe pour ses propos envers Raymond Domenech, le sélectionneur. Ses Bleus refusent alors de s'entraîner et créent une polémique dont ils auront du mal à se défaire. « Ça a été ma dernière sélection. (NDLR : il compte une autre sélection en octobre 2011 dans un match contre l'Albanie). Après tout ce que j'ai fait avant pour revenir, finir comme ça, c'est moche. On a eu beaucoup de choix et on a toujours fait les mauvais pour arriver à foutre la merde. J'ai honte d'avoir fait partie de ce groupe-là. Après coup, en ayant réfléchi, tu te dis: Tu joues au foot, tu gagnes bien ta vie de ta passion et tu refuses d'aller d'entraîner? Il y a quelque chose qui ne va pas », a récemment regretté le joueur qui compte quarante-et-une sélection pour neufs buts. Après des passages à la Lazio Rome en Italie, aux Queen's Park Rangers en Angleterre, à Al-Gharafa à Doha ou au Kouban Krasnodar en Russie, il espère retrouver les Bleus en signant à Bastia. « J’ai toujours faim de titres, de buts… J’ai un objectif tout le monde le sait… J’aime le bleu et je ferai tout pour l’atteindre », assurait-il. Cette fois la volonté ne suffit pas. Si son compteur en Bleu devrait rester bloqué, il pourrait permettre au Sporting Club de Bastia de remporter son premier trophée depuis la Coupe de France 1981.