En ces temps de confinement particuliers, la chaîne L’Equipe 21 avait eu l’excellente idée de diffuser des anciens matchs mémorables de l’Equipe de France de football. Parmi ceux-là, il y a évidemment eu la mythique demi-finale de Coupe du Monde 1982 perdue à Séville contre la RFA. L’occasion pour les jeunes et les moins jeunes de revoir Platini, Tigana, Giresse et compagnie devenir des héros valeureux dans la défaite. Sur le banc de cette équipe qui a marqué à vit toute une génération, il y avait Michel Hidalgo.

C’est évidemment avec une tristesse infinie que le football français a appris la nouvelle de son décès dans l’après-midi. En retrait depuis quelques années, le natif de Leffrinckoucke ne faisait plus de sorties médiatiques. La dernière fois, c’était pour rencontrer certains de ses anciens joueurs qu’il avait mené sur le toit de l’Europe en 1984. Cette année-là sera celle de l’apogée d’une carrière absolument exceptionnelle débutée plusieurs années auparavant.

Buteur dans la première finale de C1

Né le 22 mars 1933, il aura grandi en Normandie avec l’amour du ballon rond. Tout naturellement, une carrière de footballeur s’ouvre à lui et c’est sous le maillot du Havre qu’il débute sa carrière en Division 1 à seulement 19 ans, en 1952. Ailier droit rapide et dynamique, il dispute deux saisons sous le maillot du HAC, avant de rejoindre le Stade de Reims en 1954. Avec le club champenois, il va tutoyer les sommets, remportant un premier titre de champion de France en 1955.

La saison suivante, il prend part à la toute première Coupe d’Europe des Clubs Champions qui voit son équipe échouer en finale sur l’imbattable Real de Di Stefano, sur le score de 4-3. Il rentre un peu plus dans l’histoire en inscrivant l’un des trois buts rémois lors de cette toute première finale. Puis, en 1957, il va finalement découvrir son troisième et dernier club professionnel en rejoignant les rangs de l’AS Monaco.

Au sein du club princier, il va vivre neuf saisons complètes ponctuées de deux nouveaux titres de champion de France (1961, 1963), ainsi que de deux Coupes de France (1960, 1963). C’est aussi avec le maillot rouge et blanc qu’il va avoir le privilège de porter le maillot tricolore à une reprise, lors d’un France-Italie disputé en mai 1962. En 1966, il prend donc sa retraite à 33 ans, mais reste grandement impliqué dans le football français.

Fervent défenseur des droits des joueurs

Dès 1964, il succède à Just Fontaine à la présidence de l’UNFP (Union Nationale des Footballeurs Professionnels). Toujours avec sa détermination et son envie de changer les choses, il tiendra cette fonction pendant cinq années. Il est notamment à l’origine de la création de la FIFPro (équivalent de l’UNFP, mais sur le plan mondial), mais également des bouleversements ayant entrainé le changement des statuts contractuels du footballeur. Rappelons qu’au début des années 1960, on parlait encore de contrat…à vie ! Ainsi, quand Raymond Kopa disait en 1963 que « les joueurs sont des esclaves », la fédération avait réagi en le suspendant six mois…

En parallèle, à la fin des années 1960, il débute sa (très) courte carrière d’entraîneur en entraînant le temps d’une petite saison la modeste équipe de Menton, sur la Côte d’Azur. Ce sera alors son unique expérience sur le banc d’un club. C’est en effet en qualité de sélectionneur qu’il va connaître ses plus grands succès.

Séville 82, le plus grand regret

En 1975, l’Equipe de France est à l’agonie. Incapable de se qualifier pour des compétitions européennes ou mondiales, elle frise le ridicule face aux grandes nations. Bref, rien ne va. Ainsi, lorsqu’il remplace Stefan Kovacs, le chantier est énorme, mais il y a matière à faire quelque chose d’intéressant. Si la sélection est affreuse, l’AS Saint-Etienne est en train de faire vivre des émotions fortes en dominant le championnat, mais surtout en offrant une épopée européenne mémorable en 1976. Avec Rocheteau, Bathenay, les frères Revelli, Lopez, une génération est en train d’émerger. Un peu plus au nord, il y a également un certain Michel Platini qui commence à éveiller la curiosité du côté de Nancy…

En prônant un football offensif et en s’appuyant sur cette nouvelle génération aux dents longues, Hidalgo réussi à remettre l’Equipe de France sur la carte du football mondial en obtenant une qualification pour la Coupe du Monde 1978, douze ans après sa dernière participation. Eliminé dès le Premier Tour sans avoir à rougir face à aux cadors argentins et italiens, le coach français sait qu’il tient là quelques chose. Au fil des années, il intègre progressivement des joueurs au noyau pour former une équipe de plus en plus performante. S’il ne participe pas à l’Euro 1980, il parvient en revanche à qualifier ses Bleus pour la Coupe du Monde en 1982. En Espagne, porté par son carré magique au milieu (Platini, Tigana, Giresse, Genghini), il emmène donc l’Equipe de France jusqu’en demi-finales, où il subira le cruel échec face à la RFA. Ses Bleus étaient les plus forts, mais le vice et l’expérience côté Ouest-allemand ont fait la différence.

L’architecte du premier titre de l’Equipe de France

Fortement touché par cet échec, Michel Hidalgo ne se laisse pas abattre. Deux ans plus tard, la France organise le championnat d’Europe, et s’avance avec un statut de favori. Emmené par un Platini fabuleux durant toute la compétition (9 buts inscrits), il va prendre sa revanche en allant glaner le premier trophée majeur de l’histoire de l’Equipe de France, battant l’Espagne en finale. Après ce succès phénoménal, il laisse les rênes de l’équipe à Henri Michel, avec le sentiment du devoir accompli. En moins de dix ans, il aura réussi à faire passer les Bleus de faire-valoir frôlant le ridicule à une machine à rêve spectaculaire qui marche sur l’Europe du football.

On ne le reverra alors plus au bord des terrains, mais cela ne l’empêchera d’être impliqué de façon active dans le football français. Il occupera donc la fonction de Directeur Technique National entre 1982 et 1986 avant de tenir le poste de manager au sein de l’Olympique de Marseille de Bernard Tapie entre 1986 et 1991. Suite à cette expérience qui se termine en eau de boudin avec l’affaire des comptes de l’OM lors de laquelle il est condamné à de la prison avec sursis et à une grosse amende, il prend du recul. Sa passion pour le football étant intacte, il se reconvertira dans les médias en commentant des matchs et en participant à de nombreuses émissions, notamment sur les exploits marquants des années 1980.

Il y a quatre jours seulement, le 22 mars, il fêtait ses 87 ans, mais affaibli depuis de nombreux mois déjà, il est finalement parti ce jeudi « naturellement, d’épuisement » selon les dires de sa famille. Son héritage et son implication resteront inévitables dans la mémoire collective, et sa place dans le Panthéon du football français est pour l’éternité gravée en lettres d’or.  

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